The Chaser
Chugyeogja
Fiche technique
Mon avis
Les nuits du chasseur
Ancien flic reconverti proxénète, Joong-ho est à la tête d’un réseau de call-girls qu’il « manage » à la dure. Pas étonnant, dans ces conditions, de voir les filles disparaître les unes après les autres. Mais Joong-ho est fâché qu’on l’abandonne ainsi. En consultant une liste d’appels téléphoniques, il s’aperçoit que ses ex-protégées ont toutes rencontré le même client avant de s’évanouir dans la nature. Pensant s’être fait doublé par plus malin que lui, Joong-ho retrouve ses instincts de policier et se lance dans une chasse à l’homme.
Glauque et pluvieux
Séoul, la nuit, ses enseignes fluorescentes, ses rues mal famées, ses coins sombres… Le réalisateur se plaît à montrer une jungle urbaine, souvent noyée sous des trombes d’eau, qui n’est pas sans rappeler l’atmosphère de Seven, de David Fincher. Il faut souligner le beau travail du chef op’ sur la lumière. Côté intérieurs, les décorateurs se sont amusés à créer la maison du parfait psychopathe, serial killer à ses heures perdues. Une entrée discrète, un jardin inquiétant, un vestibule peu engageant, et surtout une salle de bains que l’on peut classer d’ores et déjà parmi les plus sordides de l’histoire du cinéma. En comparaison, celle du film Psychose, d’Alfred Hitchcock, est d’un standing de palace.
Double trame
À l’inverse de beaucoup de thrillers, la traque de l’homme recherché n’est pas ici au cœur de l’intrigue. D’ailleurs, la course-poursuite, l’arrestation et les aveux interviennent rapidement. Une singularité louable, mais plutôt pénalisante. La tension chutant brusquement, le film patine un peu par la suite. On s’intéresse alors au charmant serial killer (expert de la caisse à outils), dont le portrait psychologique, très classique, ne restera pas dans les mémoires. Heureusement, le scénario retrouve un second souffle en lançant une seconde recherche, celle du lieu des crimes, des corps des victimes, et surtout d’une captive probablement encore en vie.
Un monde à l’envers
Curieusement, le proxénète s’avère beaucoup plus concerné par l’enquête, et plus efficace, que les policiers coréens. Le réalisateur s’amuse à dépeindre ces derniers comme une bande de Pieds Nickelés, pas futés, empêtrés dans une agitation confuse et ridicule. Un sens du grotesque qui contrebalance le suspense. On peut également y voir un « constat de la dégradation de la société contemporaine », selon les termes de Na Hong-jin.
Ce film, c’est aussi l’histoire d’une métamorphose. Ou comment un sale type, qui ne brille pas par son humanisme, va se découvrir un sens des responsabilités et surtout une fibre affective au contact d’une fillette. Tandem traditionnel du gros dur et de l’enfant, façon Un monde parfait, de Clint Eastwood. Le personnage principal, qui se présentait ironiquement comme le « père » d’une de ses « filles » au début du film, en vient à adopter une attitude vraiment paternelle au fil de ses aventures.
Les promesses de l’ombre
Le scénario de The Chaser n’est pas sans failles. Pourquoi les policiers ne fouillent-ils pas le quartier où ont été retrouvées les voitures des prostituées, afin de chercher la maison du serial killer ? Qu’est-il arrivé à la fillette dans la ruelle ? Par ailleurs, la musique du film est parfois trop appuyée. Et l’on note une certaine complaisance dans le ralenti et le sanguinolent. Mais passons. Ce jeune cinéaste, encore étudiant dans une école de cinéma, témoigne déjà d’un sacré savoir-faire en termes de mise en scène. Rythme haletant, inventivité macabre, noirceur et pessimisme assumés… Ça secoue sévèrement. Le final est absolument terrassant, au sens figuré comme au sens propre…
On sent que Na Hong-jin a parfaitement intégré les codes du thriller américain, tout en faisant écho à diverses tendances ou thématiques du cinéma d’action coréen. Un goût pour les intrigues flippantes et renversantes (comme dans Old Boy), une fascination pour les visions d’horreur (dont on a eu une belle illustration avec le film Deux Soeurs) et une présentation de l’impuissance policière (traitée de manière moins burlesque dans le polar Memories of Murder). En bon élève, attiré par le côté obscur et spectaculaire du cinéma de genre, le réalisateur a donc rendu une copie pleine de promesses. Ne lui reste plus qu’à sortir un peu des sentiers battus pour trouver sa propre voie.
Frédéric Viaux (film vu le 15/01/2009)
Article paru sur le site culturclub.com