Cabaret
Cabaret
Fiche technique
Mon avis
À l’origine, il y a quelques nouvelles écrites par Christopher Isherwood dans les années 1930, alors qu’il vivait à Berlin. Nouvelles rassemblées et publiées en 1954 sous le titre The Berlin Stories (Adieu à Berlin, pour l’édition française). Deux de ces nouvelles ont été fusionnées et adaptées au théâtre, puis au cinéma, puis à Broadway sous la forme d’un musical. Le film de Bob Fosse s’inscrit dans cette lignée avec un souci d’authenticité et d’inventivité.
L’authenticité est dans la reconstitution d’une ville, Berlin, cosmopolite et ouverte aux plaisirs nocturnes ; dans la reconstitution d’une époque, préhitlerienne, en pleine crise économique et instabilité politique. Une ville et une époque envisagées par le prisme des spectacles d’un cabaret, le Kit Kat Club, et par les destinées d’une poignée de personnages symboliques d’une société qui se décompose.
L’inventivité est dans la façon de traduire ce sujet à l’écran, dans un registre, le film musical, qui se prêtait jusqu’alors davantage aux intrigues légères et sympathiques. Audacieux, Bob Fosse s’est laissé inspirer par des références littéraires ou picturales, à la fois expressionnistes et décadentes, privilégiant des intérieurs sombres, chargés, vénéneux ; il a aussi laissé libre cours à l’expression d’un hédonisme débridé, alliant le grotesque, le vulgaire et le pathétique, notamment lors des numéros sur scène, chorégraphiés avec une virtuosité saisissante ; et surtout, il a réussi un habile tissage-montage entre ces numéros de cabaret et l’action principale du film, la scène « commentant » l’histoire, telle une caricature de la vie. « Life is cabaret »…
Célèbre danseur, chorégraphe et metteur en scène de Broadway, Bob Fosse signait là son deuxième film en tant que réalisateur, après Sweet Charity (1969). Il le définissait comme « un cauchemar moderne en chansons et en danses ». Cauchemar qui a tourné au rêve en termes de réception : succès public et critique, huit Oscars… Et consécration pour Liza Minnelli, extraordinaire dans un rôle devenu mythique : celui de Sally Bowles, chanteuse-danseuse « pleine de feu », femme-enfant vulnérable, canaille et sentimentale, exaspérante et touchante. Le rôle d’une vie. Mention spéciale également pour Joel Grey en meneur de revue exubérant et inquiétant.
Au final, Cabaret assume pleinement le caractère délétère de son sujet. C’est un film « inconfortable », mais toujours intelligent et d’une remarquable cohérence artistique.
Dans la petite filmo de Bob Fosse suivront trois films uniquement : Lenny (1975), Que le spectacle commence (All That Jazz, 1979, son chef-d’œuvre) et Star 80 (1983).
Frédéric Viaux (film vu le 22/03/2008, revu le 18/05/2020)