Walkyrie
Valkyrie
Fiche technique
Mon avis
Pour l’honneur et la démocratie
1943. Alors qu’il se bat en Tunisie, le colonel de la Wehrmacht Claus von Stauffenberg exprime dans son journal ses désillusions face aux dérives du régime nazi, notamment les massacres de civils, l’extermination des Juifs… toutes ces folies criminelles qui souillent l’honneur de l’armée et de la nation. Blessé à la suite d’un raid aérien britannique, il est rapatrié en Allemagne. Il rejoint alors un groupe de résistants associant hommes politiques et membres de l’armée, et met au point une opération visant à tuer le Führer, renverser le gouvernement nazi et instaurer un nouvel ordre politique fondé sur le droit et « le contrôle régulier exercé par le peuple ». Nom de code de cette opération : Walkyrie, en référence à Wagner mais surtout au plan d’urgence élaboré par Hitler en cas d’insurrection ou de tentative d’assassinat contre sa personne. Un plan qui prévoyait l’intervention de l’armée de réserve pour reprendre le contrôle des organes clés de l’État et qui sera finalement utilisé par les rebelles pour soutenir leur putsch. Le 20 juillet 1944, le destin de l’Allemagne, de milliers de soldats, civils et déportés a failli basculer…
Une réhabilitation de la résistance allemande
Tout comme le film allemand Sophie Scholl – les derniers jours, la Walkyrie de Bryan Singer a l’immense mérite de mettre en lumière des événements laissés dans l’ombre de l’histoire depuis plus de soixante ans. À savoir l’existence d’une résistance allemande face à Hitler. Il faut noter qu’une dizaine de tentatives d’assassinat a eu lieu. Celle menée par Claus von Stauffenberg fut la dernière, neuf mois avant le suicide du Führer. Des hommes et des femmes se sont ainsi battus contre le pouvoir du tyran, contre les idées dominantes, et ont prouvé que tous les Allemands n’étaient pas des Nazis. Une vérité longtemps passée sous silence en France, par exemple, afin de maintenir une idéologie manichéenne. Comme le rappelle l’historien Alfred Grosser, l’évocation de la résistance allemande dans les manuels scolaires a été interdite pendant de longues années par un inspecteur général de l’Éducation nationale…
Parmi les mouvements allemands d’opposition au nazisme, on connaissait celui des étudiants de la « Rose blanche » (dont faisait partie Sophie Scholl) ou encore celui de militaires ralliés aux Russes, la branche allemande de « l’Orchestre rouge ». Moins connue était cette frange de résistance conservatrice, composée de politiciens et de généraux, aristocrates catholiques ou protestants, qui ont d’abord soutenu la montée du nazisme avant de déchanter. Des hommes mus par une certaine idée de l’honneur et du service à la patrie, qui ont choisi de rompre leur serment d’obéissance pour « échapper à la honte et à l’ignominie d’être restés sans rien faire », selon les termes de Claus von Stauffenberg.
Les compromis du scénario
À l’occasion de ce film, Bryan Singer a retrouvé Christopher McQuarrie, le scénariste de Usual Suspects. Celui-ci a dû jongler en permanence entre la rigueur historique et les impératifs dramatiques hollywoodiens. Si le déroulement de la journée du 20 juillet 1944 est scrupuleusement restitué selon les historiens, d’autres éléments du scénario sont sujets à des réserves. Alfred Grosser précise notamment que les membres de la conspiration n’étaient pas tous animés par une exigence morale et démocratique, certains voulant avant tout reprendre le pouvoir pour redresser un pays en déroute. Par ailleurs, le passé du héros, pas forcément très pur, n’a pas été mentionné. La donne générale a donc été un peu simplifiée, en gommant les zones douteuses au profit d’une harmonisation de l’héroïsme et d’une certaine idéalisation.
Ce que l’on peut aussi reprocher au scénario, comme souvent dans les grosses productions, c’est d’avoir privilégié les faits, la mécanique de l’action, à la psychologie. Dommage, car il y avait matière à d’intéressantes réflexions autour des cas de conscience de ces hommes en situation de haute trahison. Une dimension psychologique qu’avait davantage développée Fritz Lang dans La Chasse à l’homme, un film qui aborde également la question de l’assassinat d’Hitler. Mais il aurait fallu ici quelques dialogues en plus, hors de l’action proprement dite. Malheureusement, mis à part le personnage central, les autres rôles n’existent quasiment pas, silhouettes furtives, vite dessinées, dans un drame tendu mais manquant un peu de profondeur.
Pro et sans esbroufe
Malgré ces réserves sur le scénario, on peut dire que le réalisateur a plutôt réussi son pari. Il a su créer un véritable suspense, même si le dénouement est connu d’avance. Le choix d’une sobriété de ton et de style s’avère payant. La mise en scène ne vole pas la vedette au sujet du film, qui est suffisamment fort pour se passer d’artifices. Les amateurs d’exploits pyrotechniques seront déçus… Bryan Singer est parvenu à restituer l’ampleur historique de l’événement tout en tissant un drame resserré autour de quelques hommes. Pas de « surdramatisation », pas de « surjeu » des acteurs, mais quelques scènes fortes sur le plan symbolique, comme ce « Heil Hitler » de Claus von Stauffenberg, le bras tendu… et terminé par un moignon.
Reconstitution des décors, costumes, tout est très pro. Le casting, hétéroclite, est impeccable, Tom Cruise en tête, qui impose un jeu tout en retenue et en puissance. On n’est pas surpris de retrouver trois acteurs du film Black Book de Paul Verhoeven, autre évocation de la résistance (hollandaise) : Carice van Houten, Christian Berkel et Waldemar Kobus. Quant à la langue du film, Bryan Singer a eu la délicatesse de commencer en allemand avant de passer, par une sorte de fondu, à l’anglais (inévitable dans une production hollywoodienne). On soulignera enfin que ce n’est pas tous les jours que les gros studios nous proposent l’histoire d’un échec… Autant de bonnes raisons d’apprécier ce film tout à fait honorable.
Frédéric Viaux (film vu le 26/01/2009)
Article paru sur le site culturclub.com