L’Annonce faite à Marie
L'Annonce faite à Marie
Fiche technique
Mon avis
Un objet filmique complètement déroutant. Nanar symbolique ? Geste expérimental d’une poésie inouïe ? Un peu des deux. Alain Cuny avait rêvé de longue date d’adapter ce texte de Paul Claudel à l’écran. Il a concrétisé son rêve en 1991, à l’âge de 82 ans. À sa manière. Hors du temps. Artisanale. Libre. Très libre. Ses partis pris : des acteurs choisis uniquement pour leur physique et postsynchronisés (pas toujours avec leur propre voix…) ; une diction blanche, atone, qui fait penser à du Bresson ; une austérité des décors et une bizarrerie (voulue ?) des costumes ; une intégration d’images sans rapport direct avec l’intrigue. Cela donne un patchwork un peu surréaliste, entre quotidienneté vaguement médiévale, fragments métaphoriques et profondeur mystique plus ou moins absconse. Au niveau narratif, pas de souci de vraisemblance. Au niveau technique, pas d’égard pour les raccords de plans ou les détails anachroniques qui fleurissent à l’image (un bout de maison moderne, une statuette de chat comme on en trouve dans les restaurants asiatiques !). Tout cela pourrait n’être que ridicule. Et donc risible. Mais non. Le film provoque aussi une certaine sidération et parfois un envoûtement dans sa nébuleuse de mystères. Fabriquée on ne sait comment, l’œuvre tient debout par on ne sait quel miracle, constante dans son étrangeté radicale et traversée de scènes-tableaux qui marquent durablement l’esprit (l’apparition de Violaine sous les pommiers, le rapprochement sépulcral final entre le père et sa fille…). Ce sera l’unique réalisation d’Alain Cuny.
Frédéric Viaux (film vu le 12/02/1998, revu le 23/10/2022)