Quand passent les cigognes
Letyat zhuravli
Fiche technique
Mon avis
Cinq ans après la mort de Staline, c’était le dégel en URSS. La preuve avec ce film plus romantique que politique (adapté d’une pièce de théâtre de Viktor Rozov). Le début, axé sur un amour de jeunesse, les courses folles, les décisions impulsives, fait souffler un vent de liberté. Une liberté qui aurait presque des accents de Nouvelle Vague si elle n’était pas empreinte d’un formalisme, très russe, hérité des grands cinéastes du passé : Vertov, Eisenstein… Le réalisateur Mikhail Kalatozov, qui avait œuvré jusque-là dans un registre de « service national », de pure propagande, se détache des contraintes idéologiques pour s’adonner à une forme de lyrisme très stylisé, souvent virtuose, à défaut d’être particulièrement émouvant. Quelques scènes superbes : le travelling vertical dans l’escalier, au début, pour suivre la course des amants ; les visions de Boris, au moment où son destin bascule à la guerre ; la porte qui s’ouvre sur un appartement à ciel ouvert, où demeure absurdement une horloge, après le bombardement. La caméra émerveille par sa mobilité, ses virevoltes, ses angles renversants. Et quand elle se fixe, c’est pour obtenir des gros plans d’une belle intensité sur les visages, notamment celui de l’actrice Tatyana Samoylova.
Ce brillant exercice de style mélodramatique a valu au film une Palme d’or en 1958 et un vrai succès public en France (plus de cinq millions d’entrées !). Six ans plus tard, Kalatozov réalisera une œuvre encore plus impressionnante esthétiquement, mais de nouveau chargée politiquement : Soy Cuba.
Frédéric Viaux (film vu le 09/06/2013)