Irène
Irène
Fiche technique
Mon avis
Ce documentaire très personnel apparaît comme un curieux objet de cinéma, expérimental, animé par un triple questionnement : sur Irène (qui était-elle ? comment exprimer la complexité de sa personnalité ?), sur le « je » du cinéaste (sa relation à cette femme, son deuil) et sur le cinéma (comment matérialiser des souvenirs ? filmer l’absence ?). Alain Cavalier réalise un film « en train de se faire », comme disait Godard à propos de La Chinoise. Un film qui avance au fil des questions que se pose l’auteur. Par exemple : faut-il incarner Irène, proposer le rôle à une actrice ? Cavalier décide finalement de suivre le cheminement de ses seuls souvenirs et d’aborder le sujet par le prisme le plus subjectif qui soit. Armé de sa petite caméra numérique, il revisite des lieux où le couple a séjourné, des lieux vides, et focalise sur des objets symboliques qui transforment la remémoration en visions poétiques ou développements psychanalytiques : un drap qui prend la forme d’un corps de femme, une pastèque et un œuf utilisés pour évoquer un accouchement ou un avortement, une boîte vide pour exprimer l’infertilité, etc. Se dessine un portrait d’Irène, douloureux, à mesure que le cinéaste plonge en lui-même et se met à nu. Une démarche cathartique qui n’est pas sans conséquence sur l’auteur (maladie, accident…). Cavalier a une façon bien à lui, tantôt pudique, tantôt crue, de se livrer et de dénicher l’essentiel derrière l’anodin. Au final, son œuvre « bricolée », scandée par une voix off chuchotante, est une expérience forte, lourde d’émotion et de mal-être, parfois jusqu’à la gêne, mais toujours captivante. C’est un film intime comme on parle de journal intime, une réflexion au présent sur l’empreinte du passé.
Frédéric Viaux (film vu le 28/10/2009)