Babylon
Babylon
Fiche technique
Mon avis
Un long cri d’amour et de dégoût pour un art et une industrie, pour un champ de tous les possibles en termes de réussite individuelle ou sociale – qui fait écho au fameux rêve américain –, pour un univers follement créatif, festif. Et cruellement versatile. Usine à rêves et à cauchemars, qui élève aussi vite qu’elle abaisse. Ce film-somme sur le cinéma hollywoodien des années 1920-30 est, au final, l’envers trash et noir de l’euphorisant et merveilleux Chantons sous la pluie. Un autre regard sur le passage du cinéma muet au cinéma parlant. Entre grandeur et décadence pour quelques malheureux « héros » américains.
Damien Chazelle s’attaque à une période de démesure avec démesure. Son ambition, sur le fond comme sur la forme, est immense. Grande fresque romanesque, foisonnement d’idées et de réflexions – tout en références cinéphiliques –, traduction visuelle et sonore de l’énergie d’une époque, frénétique. Le résultat est contrasté, traversé de fulgurances mémorables et de faiblesses regrettables. Côté stylistique : une virtuosité sans pareille en matière de mise en scène et de réalisation, un rythme étourdissant, un luxe de décors, de costumes, de lumières… Tout cela éblouit souvent, lasse parfois en faisant sauter la digue du « too much », ou déconcerte par quelques outrances de mauvais goût (la scène du vomi…). Côté contenu, l’essentiel est très intéressant, voir passionnant, pétri d’intelligence et d’humour, ponctué de dialogues brillants (sur la grandeur du cinéma comme art populaire, sur la postérité des stars déchues…), mais aussi un peu fourre-tout (la dernière séquence au cinéma). Sur les 3 heures de film, il y a quelques dispersions du scénario dans des directions pas toujours essentielles, avec à la clé des moments bien plats (la visite à l’asile…). Ou des voies narratives qui perdent en émotion à force d’exacerbation (le romantisme noir de l’histoire d’amour).
Inégal, Babylon n’est donc assurément pas le film le plus abouti de son auteur. Mais cela reste un film phénoménal, chaos grandiose et monstrueux. Et de ce chaos émergent deux acteurs formidables, Brad Pitt et Margot Robbie. La mauvaise réception du film outre-Atlantique ne rend pas honneur à leur performance. C’est dommage.
Frédéric Viaux (film vu le 23/01/2023)