Buffalo Bill et les Indiens
Buffalo Bill and the Indians, or Sitting Bull's History Lesson
Fiche technique
Mon avis
Avec une ironie cinglante et quelques traits bien corrosifs, Robert Altman s’applique ici à déboulonner deux mythes et un genre cinématographique, à savoir la figure légendaire de Buffalo Bill, les fondements glorieux d’une nation, les États-Unis, et leur corollaire artistique, le western. Le réalisateur a toujours porté sur son pays un regard critique, tout empreint de dérision, démystifiant par exemple l’armée US dans MASH ou le milieu hollywoodien dans The Player. Sur le thème de la conquête de l’Ouest, il avait déjà œuvré cinq ans avant ce film, en montrant un envers du décor peu reluisant dans John McCabe (avec Warren Beatty et Julie Christie). Ce Buffalo Bill s’impose encore plus comme un antiwestern avec son héros prétentieux mais pas fute-fute, faux bon tireur, vrai picoleur, entièrement tourné vers le culte des apparences (ah… la jolie perruque) et le business. Un héros de pacotille qui délivre à un public crédule un chapelet de mensonges érigés en vérités historiques. C’est dans ce tableau que Robert Altman excelle, lui conférant une portée métaphorique qui dépasse le propos de John McCabe. La société américaine est une société du spectacle, l’histoire est une mise en scène. Pour épingler cette grande entreprise patriotique de falsification, d’autoglorification et de starification, pas de meilleur symbole que de faire jouer une star, Paul Newman, dans un parfait contre-emploi. Autre bonne idée : établir un deuxième niveau de discours, plus philosophique et mystérieux, par la voix de Burt Lancaster, acteur de poids dans un petit rôle qui n’a rien d’anodin, donnant à la farce générale une tonalité noire intéressante. On retiendra enfin deux scènes : la chasse aux indiens, irrésistiblement piteuse, ainsi que le soliloque de Buffalo Bill face au fantôme muet de Sitting Bull, réflexion éthylique et pathétique sur la grandeur et l’illusion.
Même s’il souffre d’un rythme un peu nonchalant, Buffalo Bill et les Indiens s’impose comme l’un des meilleurs films d’Altman, par sa drôlerie sarcastique et sa lucidité implacable.
Ours d’or au festival de Berlin 1976.
Coscénariste : Alan Rudolph.
Côté casting, on retrouve l’acteur Will Sampson, un an après son rôle marquant dans Vol au-dessus d’un nid de coucou (Chef Bromden).
Frédéric Viaux (film vu le 26/01/2013)