Carol
Carol
Fiche technique
Mon avis
Amours interdites dans l’Amérique des fifties, tableau d’une société bourgeoise conventionnelle et liberticide, mélodrame vintage… Todd Haynes renoue avec le genre, les thèmes et la période qui l’avaient inspiré dans Loin du Paradis. Cette fois-ci, il s’appuie sur un roman de Patricia Highsmith, le deuxième de l’écrivaine, publié à l’époque sous le pseudo de Claire Morgan. C’est un roman d’amour et de critique sociale, sans la fibre policière qui caractérise généralement son œuvre. Le réalisateur s’approprie le texte avec son élégance habituelle. Narrativement, il commence par un joli petit puzzle de scènes clés, suivi d’un récit plus classique en flash-back : une sorte de double roman d’apprentissage où il est question d’apprendre à être soi à travers une relation amoureuse taboue. Double quête identitaire : dans la définition et la construction d’une identité pour le personnage de Therese (Rooney Mara), dans l’affirmation sociale d’une identité, au prix de sacrifices personnels, pour le personnage de Carol (Cate Blanchett). Liberté d’aimer et liberté d’être s’unissent dans ce mélo pudique, accompagnées aussi en filigrane par l’expression d’une liberté artistique, via le thème de la photographie. La façon dont Therese photographie Carol fait écho à la façon dont le réalisateur filme ses deux personnages centraux : avec une empathie à la fois délicate et intense. Il leur offre un très bel écrin. Visuellement, tout est superbe. Décors et costumes pour une reconstitution parfaite. Réalisation, lumière et montage pour un impressionnisme mélancolique. L’accompagnement musical est au diapason, ondulant et gracieux. Excellemment dirigées dans cette orchestration générale très cohérente, qui offre un vrai plaisir de cinéma, les deux actrices principales sont à leur avantage : leur prestation-partition commune est remarquable, dans des registres différents, avec une mention particulière pour la maîtrise gestuelle et les jeux de regards. La scène finale brille ainsi par son magnétisme. Difficile de comprendre pourquoi Rooney Mara, seule, a obtenu le Prix d’interprétation féminine à Cannes…
Frédéric Viaux (film vu le 22/01/2016)