Effi Briest
Fontane - Effi Briest
Fiche technique
Mon avis
Par son extrême classicisme, Effi Briest occupe une place singulière et un peu déconcertante dans la filmographie globalement non-conformiste, transgressive, de Rainer Werner Fassbinder. Le cinéaste porte à l’écran un roman de Theodor Fontane, qui avait déjà connu deux adaptations (par Gustaf Gründgens en 1939 et Rudolf Jugert en 1953). Il le fait avec un grand souci de fidélité, comme en témoigne la mention de l’écrivain dans le titre original. Selon les propos de Fassbinder : « La littérature doit être le sujet exact du film. » On comprend qu’il ait pu être séduit par cette histoire, au croisement de Madame Bovary et d’Anna Karénine. Une histoire qui porte une critique implacable de la bourgeoisie allemande, engoncée dans ses principes d’ordre social et moral, d’une froideur calculatrice et inhumaine, à travers le destin d’un personnage féminin qui apparaît comme la victime de cet univers. En revanche, on peut s’étonner de ses choix narratifs et stylistiques : voix off, intertitres, noir et blanc, reconstitution appliquée… Fassbinder signe un film très (trop ?) propre, brodant de façon feutrée sur la raison et les sentiments, le devoir et la moralité, au fil de longs dialogues (souvent repris du roman), sur un ton monocorde. Pas ou peu d’expression de la passion amoureuse. Quelques accents de souffrance. On s’ennuie un peu, sur la longueur, de cette élégance distanciée, même si l’interprétation d’Hanna Schygulla est comme toujours convaincante. On retiendra, sur le plan visuel, la bonne idée des fondus au blanc, qui ont quelque chose de cinglants, et sur le fond, la dernière scène, assez terrible. Mais cela ne suffit pas à dissiper le regret que Fassbinder n’ait pas cherché à transcender ce drame bourgeois psychologisant, à dépasser sa belle illustration.
Frédéric Viaux (film vu le 25/06/2012)