Fargo
Fargo
Fiche technique
Mon avis
Les frères Coen (Joel à la réalisation, Ethan à la production, Joel et Ethan au scénario) ont pris le contre-pied d’à peu près tous les codes du polar US standard. L’habituel cadre urbain, glauque et sombre, laisse place à un environnement rural enneigé, d’une blancheur immaculée (qui ne se tachera que de rouge). Les criminels machiavéliques sont remplacés par des nigauds : le « cerveau » du coup monté apparaît dès les premières secondes comme un droopy loser (formidable William H. Macy), tandis que ses deux acolytes kidnappeurs (Steve Buscemi et Peter Stormare, hilarants) sont assez nuls et négligents pour donner au film des accents de parodie. Le personnage du flic justicier est une femme qui peine à se mouvoir tant elle est enceinte (Frances McDormand, amusante) ; elle mène une vie tranquille auprès d’un mari peintre amateur et pêcheur à la ligne ; tous deux aiment regarder des documentaires animaliers et se coucher tôt. Comme antihéros, il n’y a pas mieux. Enfin, en matière de style, le rythme trépident et le suspense sont joyeusement négligés au profit d’une lenteur désinvolte ; le thriller et l’horreur sont sans cesse dégoupillés par un sens du ridicule et de l’absurde imparable.
Tout cela fait de Fargo un exercice de style original qui, sans être transcendant, surprend toujours et réserve quelques moments franchement jubilatoires, entre polar saignant et comédie noire. Les frères Coen sondent, comme ils ont toujours aimé le faire, une Amérique profonde sur laquelle ils portent un regard à la fois moqueur et tendre. Ils n’ont pas leur pareil pour capter la bêtise et la méchanceté d’un côté, mais aussi la simplicité et le bon sens d’un autre. Ce faisant, ils brodent autour de leur thématique fétiche, le mauvais destin, et de leur personnage favori, le poissard. Leur mise en scène est précise, fluide et pleine d’humour, bien soutenue par la photo soignée de Roger Deakins. L’ensemble est à la fois détonant et plaisant.
Festival de Cannes 1996 : Prix de la mise en scène. Oscar 1997 : meilleure actrice (Frances McDormand) et meilleur scénario original (la référence à une histoire vraie, au début du film, est une blague).
Frédéric Viaux (film vu le 03/10/1996, revu le 18/01/2015)