Huit Heures de sursis
Odd Man Out
Fiche technique
Mon avis
Les premières séquences sont classiques (préparation et réalisation d’un braquage qui tourne mal), mais ce n’est qu’une introduction à l’essentiel, un récit plus original, celui de la fuite erratique, du calvaire et de l’agonie d’un personnage blessé. On quitte ainsi très tôt le registre de l’action pour passer aux réactions. L’homme qui titube dans les recoins sombres de Belfast, ombre parmi les ombres, est à la fois recherché et repoussé. Recherché par ses acolytes, pour le sauver, recherché par la police, pour le capturer, recherché par un pauvre oiseleur, pour la récompense, recherché par un prêtre, pour sauver son âme, recherché par un peintre, pour capter son regard et voir la mort au travail. Il est aussi aidé et repoussé par quelques autres, qui hésitent entre humanisme, vague soutien politique et peur de la compromission. Passant de main en main, Johnny le moribond révèle les uns et les autres, dévoile une humanité dans sa diversité. Sa situation ouvre des considérations sur l’engagement politique, la morale, la religion, l’art, le voyeurisme, la solitude, la mort, l’amour, le sacrifice… Considérations funestes pour un film superbement désespéré. Il y a bien ici et là quelques moments appuyés, sur le fond comme sur la forme, mais on retient surtout l’élégance lyrique de l’ensemble et la grandeur tragique du dénouement. Tout cela est le fruit de la sensibilité et du savoir-faire du réalisateur, Carol Reed. Art de la dramaturgie, direction d’acteurs efficace et technique visuelle soignée. Le film, avec son noir et blanc charbonneux, sa façon de suivre la silhouette fragile du personnage principal, ses éclairages contrastés, sa belle exploitation d’un paysage urbain nocturne qui pleure de pluie et se drape ensuite progressivement d’un linceul de neige, donne esthétiquement dans un bel expressionnisme, une poésie noire sur fond blanc. Carol Reed poussera son art à la perfection deux ans après cette réalisation, dans Le Troisième Homme.
Frédéric Viaux (film vu le 05/08/1998, revu le 16/08/2025)