L’Aurore
Sunrise: A Song of Two Humans
Fiche technique
Mon avis
Souvent classé parmi les meilleurs films de l’histoire du cinéma, L’Aurore vaut surtout pour sa grande qualité esthétique. Comme l’écrit Denis Marion dans un article de l’Encyclopaedia universalis, « au moment où le cinéma cherchait à devenir un art autonome, Murnau (dont on a dit qu’il avait une caméra dans la tête) fut l’un des réalisateurs qui refusèrent les influences de la scène et du livre et qui créèrent de nouveaux moyens d’expression ». Le cinéaste développa son art en Allemagne, en participant effectivement à l’élaboration d’une nouvelle grammaire visuelle, à travers des films comme Nosferatu (1922), Le Dernier des hommes (1924), Faust (1926)… Puis la Fox l’invita à venir tourner aux États-Unis (où il entraîna avec lui plusieurs techniciens allemands). L’Aurore fut ainsi le premier des quatre films qu’il a réalisés outre-Atlantique – ont suivi Les Quatre Diables, L’Intruse et Tabou – avant son décès brutal, sur la route, en 1931.
Visuellement, donc, L’Aurore témoigne d’une inspiration constante. La virtuosité technique est partout, notamment dans la réalisation, toujours fluide grâce à une caméra très mobile. Murnau varie habilement les points de vue, objectifs et subjectifs. Le soin apporté au cadre, à la lumière et aux décors fait de certains plans des tableaux vivants, vibrants. Quelques séquences restent en mémoire pour leur mise en scène : l’arrivée du paysan près du lac et l’apparition de son amante nimbée par la lumière de la lune ; la sortie d’église du couple retrouvé ; les recherches en barque après la tempête finale (dont James Cameron s’est peut-être inspiré pour les scènes d’après-naufrage dans Titanic). Côté montage, on apprécie la science du rythme et le travail de surimpression d’images. Rien n’est gratuit ici ; toutes les idées stylistiques épousent les méandres du récit (adapté d’une nouvelle d’Hermann Sudermann, Le Voyage à Tilsitt) et concourent au réalisme lyrique de l’ensemble. On peut louer aussi, dans ce registre, la retenue des acteurs principaux, qui évitent l’hyper-jeu du cinéma muet, notamment Janet Gaynor dont la simplicité et le naturel sont touchants.
En revanche, on peut porter moins d’admiration au fond de l’histoire proprement dit, mélodramatique et moral, tout en rédemption et retournement du destin. Idem pour la structure narrative : si le premier et le dernier tiers du film sont intenses et graves, la partie centrale est plus longuette, moins convaincante dans ses accents légers voire comiques.
Frédéric Viaux (film vu le 06/07/2003, revu le 01/12/2022)