L’Opérateur – Le Caméraman
The Cameraman
Fiche technique
Mon avis
Keaton ne signe ni le scénario, ni la réalisation, mais sa patte est partout dans ce film qui est l’un des sommets de sa carrière. Son dernier grand film, selon les historiens du cinéma. On retrouve l’artiste à l’écran dans son personnage de toujours, celui d’un petit homme au faciès imperturbable. Maladroit mais obstiné. Ici amoureux transi, apprenti reporter d’images, débordant d’énergie et bien aidé par un singe malicieux.
Sans atteindre la profondeur de certains films de Chaplin, une dimension symbolique sur le terrain social et politique, le cinéma de Keaton témoigne de qualités tout aussi remarquables en termes de mimes, d’acrobaties, de slapstick. Intelligence du gag, science de la composition des plans et du mouvement, grand sens du rythme, inventivité tous azimuts. L’Opérateur (qui a ensuite été rebaptisé Le Caméraman en France) témoigne de ce génie burlesque. On se régale d’une orchestration millimétrée, de courses folles, d’un scénario comico-mélodramatique bien élaboré, toujours divertissant, à la fois drôle et tendre.
Issu d’une famille d’artistes, Keaton a connu, tout jeune, un apprentissage mouvementé auprès d’un père créateur de spectacles. Sorti du giron familial, il a vraiment lancé sa carrière en 1917 en rejoignant la troupe de Fatty Arbuckle, avant de s’imposer en solo en 1919 avec la réalisation très remarquée d’une série de courts-métrages. S’ensuivit une décennie de succès qui l’a placé à jamais au panthéon du cinéma. Une décennie seulement. La décennie suivante (les années 1930) est assez triste. L’arrivée du cinéma parlant amorce le déclin de sa carrière ; un changement de major lui fait perdre, semble-t-il, son indépendance ; sa vie perso bat de l’aile et devient chaotique (divorce, remariage, redivorce…) ; et l’alcool le détruit peu à peu, comme il avait détruit son père. Dans les années 1940, Keaton est un zombie amer qui tourne quelques pubs et se résigne à des jobs alimentaires. Au début des années 1950, certaines de ses apparitions au cinéma dans des rôles clin-d’œil nous rappellent à son bon souvenir. Dans deux films notamment : Boulevard du crépuscule de Billy Wilder et Les Feux de la rampe de Charles Chaplin. Deux rôles ô combien symboliques et émouvants au regard de sa biographie.
On peut donc voir cet Opérateur, aujourd’hui, comme les derniers feux de l’âge d’or d’un artiste. En souriant et en riant, évidemment. Mais aussi avec une pointe de nostalgie.
Frédéric Viaux (film vu le 14/01/1995, revu le 08/05/2020)