La Vie et rien d’autre
La Vie et rien d'autre
Fiche technique
Mon avis
La grande qualité du film, c’est son franc-parler et sa « franche-vision », pourrait-on dire, sur l’après-Première Guerre mondiale. Une évocation rare des 350 000 disparus encore comptabilisés fin 1920, des implications conjugales et juridiques, des préoccupations plus symboliques qu’humaines de l’état-major de l’armée française, des récupérations politiques, des profiteurs de l’époque (industriels, petits intermédiaires « au service » des familles endeuillées), de l’âge d’or de la sculpture de monuments aux morts, du racisme et du machisme ambiants… Le tableau est large et sans concession, embrassant toutes classes sociales. Le propos est vif, sans pour autant se départir d’un généreux élan humaniste. Désabusé, certes. On ne peut que saluer le travail d’écriture : précis et habilement tramé, fort dans le drame, piquant dans l’ironie (avec un sens savoureux du ridicule ou de l’absurde), éloquent dans la romance (les mots magnifiques de la séquence de la voiture et de la lettre lue à la fin par le personnage de Philippe Noiret). Tout cela témoigne de l’engagement social de toujours de Bertrand Tavernier et de sa fructueuse collaboration avec Jean Cosmos au scénario et aux dialogues.
Visuellement, c’est du classique, sobre et maîtrisé en termes de réalisation, d’un réalisme sans esbroufe en termes de reconstitution. Un paysage de grisaille, de boue et de ruine imprègne froidement mais soigneusement la pellicule, tandis que Philippe Noiret lui confère son feu, son impulsivité, ses colères et ses passions. Aux côtés d’une Sabine Azéma tout en aplomb, dans une relation d’affrontement puis de rapprochement, l’acteur habite totalement et puissamment son rôle. La Vie et rien d’autre lui doit beaucoup. Parmi tous ses films, c’était son préféré.
César 1990 : meilleur acteur, meilleure musique.
Frédéric Viaux (film vu le 29/02/1996, revu le 20/02/2023)