Le Bon, la Brute et le Truand
Il buono, il brutto, il cattivo
Fiche technique
Mon avis
Après Pour une poignée de dollars, Et pour quelques dollars de plus, Sergio Leone clôt en apothéose sa « trilogie du dollar » avec ce film où l’on retrouve le même personnage central, un personnage sans nom, surnommé « Blondin » ou identifié comme « le Bon » dans le titre, même s’il n’a rien d’un enfant de chœur. En fait, ce troisième film n’est pas la suite des deux autres épisodes, mais leur prologue. L’ensemble apparaît comme la trilogie fondatrice du western spaghetti qui s’impose alors comme un genre à part entière. Et ce, malgré les mauvaises critiques de l’époque (une contrefaçon pleine d’esbroufe, pour beaucoup). Mais le public, lui, n’a pas boudé son plaisir (6,3 millions d’entrées en France pour Le Bon, la Brute et le Truand).
Après avoir fait ses armes dans le péplum, Sergio Leone a donc importé la mythologie de l’Ouest américain à Cinecittà et remixé à sa sauce les codes du western. Une sauce bien relevée, à base de pastiche et de parodie, qui n’exclut pas quelques morceaux plus sérieux, voire tragiques et lyriques. Au-delà du fond, c’est la réalisation qui est ici exceptionnelle. Leone exploite toute la grammaire du cinéma avec une virtuosité ludique absolument jubilatoire : cadrages insolites, plans-séquence qui dilatent le temps, travellings en veux-tu en voilà, zooms fulgurants, très gros plans contrastant avec des plans larges sur les grands espaces. Le tout enchaîné par un montage au cordeau et accentué par la musique géniale d’Ennio Morricone. Côté mise en scène, le cinéaste dirige à merveille trois acteurs principaux (Eastwood, Wallach et Van Cleef) qui venaient à l’époque de la série B américaine. Il les « utilise » plus pour leur tronche patibulaire que pour leur talent d’orateur, le film étant volontairement pauvre en dialogues. Mais il y en a suffisamment pour permettre à quelques répliques de figurer dans les anthologies du cinéma. Parmi les plus fameuses, celle où « Blondin » explique sa vision du monde à Tuco : « Tu vois, le monde se divise en deux catégories : ceux qui ont un pistolet chargé et ceux qui creusent… Toi, tu creuses. »
Western bouffon, western opéra tendance baroque, conclu par un règlement de comptes mémorable, ce film ne sera égalé, dans son genre, que par Il était une fois dans l’Ouest, du même Sergio Leone, deux plus tard.
Frédéric Viaux (film vu le 05/05/1994, revu le 25/07/2008)
Ce film est mon western préféré parmi ceux de Sergio Leone ; le revoir en DVD assez souvent est devenu une sorte de rite quasi jouissif. Après ses deux précédents westerns, Leone avait acquis suffisamment d’expérience pour installer tout un arsenal de codes à lui et de gimmicks : le goût des perspectives, les plans de visages rentrant brutalement dans le champ, la lenteur qui étire les actions, la théâtralisation de la violence, les sons amplifiés des coups de feu, l’alternance de plans larges et de très gros plans, la volonté de calquer l’action sur la musique… Il ne s’encombre pas d’un scénario compliqué, préfère les tribulations picaresques d’un trio de gars patibulaires dans un contexte historique de guerre de Sécession, pour les réunir dans un vieux cimetière lors d’une scène finale d’anthologie pour laquelle le maestro Morricone vous concocte une sorte de musique funèbre avec maracas, castagnettes et trompette mexicaine. Cette scène est une quintessence de l’art leonien car il y livre un festival de gros plans phénoménaux entre les colts et les regards, tout cela sur la musique qui enfle, en cassant la conception du duel westernien qui d’ordinaire se déroule entre deux protagonistes. On retient aussi la scène chez l’armurier et quelques répliques célèbres (« Quand on tire, on raconte pas sa vie »)… Bref, vous aurez compris que même cinquante ans après sa réalisation, ce western garde toute sa force mythique. Pour moi, il est ancré à vie dans le subconscient.