Les Garçons et Guillaume, à table !
Les Garçons et Guillaume, à table !
Fiche technique
Mon avis
Tout est dans le titre, bizarre et drôlement absurde. Une confusion des genres, un « malentendu », que Guillaume Gallienne, sociétaire de la Comédie-Française, a d’abord développé dans un one-man-show autobiographique. Il le transpose à l’écran, en déployant les personnages et les lieux, mais en rappelant aussi, par quelques intermèdes sur scène, les origines théâtrales de sa création. Il y a dans ce premier long-métrage une fantaisie bien particulière, une kitscherie et un maniérisme assumés, un cheminement narratif et introspectif qui transforme le spectacle (sur scène et à l’écran) en psychanalyse ludique et comique. Ce dispositif artificiel n’est pas exempt de lourdeurs, stylistiques ou démonstratives : surtout à la fin, lorsque l’acteur-réalisateur, sur scène, s’adresse au public, au sein duquel figure sa mère (ou plutôt une actrice représentant sa mère). Mais l’originalité du sujet, étonnant récit d’un « coming out inversé », et celle de l’inspiration comique emportent largement le morceau. Le décalage entre ce que le personnage central croit être, ce que son entourage croit qu’il est, et ce qu’il est vraiment donne matière à une série de saynètes souvent irrésistibles. Guillaume Gallienne a un vrai talent pour cultiver naïveté et dérision, tendresse et sentiment absurde, au fil d’une chronique familiale atypique, où il joue à la fois son propre rôle (à différents âges, mais toujours doté d’une improbable coiffure bouclée…) et celui de sa mère. Géniale composition. À la clé : une schizophrénie joyeusement cathartique et un contraste détonant entre, d’un côté, la délicatesse et la sensibilité de Guillaume, et de l’autre, les propos cash et parfois trash de la mère.
Cette quête identitaire réjouit ainsi par sa drôlerie intelligente. Reste à savoir maintenant si Guillaume Gallienne saura dépasser ce côté « ma vie, mon oeuvre » pour aller vers d’autres réalisations, ou s’il restera l’homme d’un seul film.
César 2014 du meilleur film, du meilleur acteur, de la meilleure adaptation, du meilleur montage et du meilleur premier film.
Frédéric Viaux (film vu le 21/11/2013)