Les Huit Salopards
The Hateful Eight
Fiche technique
Mon avis
Avec ces Huit Salopards, Quentin Tarantino signe son huitième film (si l’on compte un seul film pour les deux « volumes » de Kill Bill). Après Django Unchained, le réalisateur reste dans l’univers du western qu’il continue de revisiter à sa sauce, entre hommage aux films et séries des années 1960 et inspiration très personnelle en matière de dialogue et de violence. Côté hommage : un générique à l’ancienne, un tournage en 70 mm, une musique d’Ennio Morricone… Côté tarantinade : une galerie de personnages typés aux identités et motivations mystérieuses (campés par quelques acteurs fétiches du cinéaste), une tchatche qui l’emporte sur l’action, un puzzle narratif qui joue sur le flash-back, le changement de point de vue et la voix off pour éclairer l’histoire (voix off de Tarantino lui-même), sans oublier un humour bien noir et rouge sang… En termes de dispositif, ces Huit Salopards sont ainsi au western ce que Reservoir Dogs était au film de gangsters.
L’exercice de style démarre bien avec une série de rencontres improbables, une discussion « métier » réjouissante entre deux chasseurs de primes, la lecture émue d’une lettre de Lincoln, une drôlerie « coup de poing » et quelques règlements de comptes sur fond de racisme d’après-guerre de Sécession. Formellement, le 70 mm se justifie par des plans très larges et très beaux sur des paysages enneigés ; il se justifiera moins ensuite, en passant en mode « huis clos » dans la mercerie-auberge. Mais passons sur ce caprice de réalisateur. Dans la mercerie-auberge, donc, va se déployer une intrigue-énigme ludique et meurtrière, canevas de vérités et de mensonges, entre des personnages réunis plus ou moins par hasard. Tout est dans le plus ou moins. Qui est qui ? Qui a fait quoi ? Qui va faire quoi ? Il y a là un petit côté Agatha Christie au Far West, avec le personnage de Samuel L. Jackson dans le rôle d’un Hercule Poirot noir, provocateur et sensible de la gâchette. Bien pensée, la mise en place titille la curiosité. Et le développement, très théâtral avec son unité de lieu, de temps et d’action, offre une certaine jubilation verbale. Dommage que la résolution parte un peu en vrille. Disons d’abord que le film est trop long : près de trois heures… Ensuite, le réalisateur s’égare au final dans une surenchère complaisante de boucherie saignante et de palabres, laissant le spectateur sur une impression de fond assez mince.
En matière de divertissement sur pas grand-chose, on peut préférer le traitement de Boulevard de la mort, plus ramassé, plus fun, plus euphorisant. En matière d’exercice de style, on peut regretter le côté épuré et le montage fracassant de Reservoir Dogs. On ne va pas dire qu’on ne s’amuse pas dans ce Tarantino plus bavard et grand-guignolesque que jamais. Mais jusqu’à un certain point seulement.
Oscar 2016 de la meilleure musique.
Frédéric Viaux (film vu le 12/01/2016)