Les Larmes amères de Petra von Kant
Die Bitteren Tränen der Petra von Kant
Fiche technique
Mon avis
Rainer Werner Fassbinder adaptait l’une de ses pièces de théâtre (qui transposait une histoire personnelle). À 27 ans seulement, le jeune créateur surdoué, comparé alors à Cocteau, faisait de cette adaptation l’un des huis clos les plus mémorables de l’histoire du cinéma, d’une intensité psychologique rare et d’une lucidité cinglante sur les choses de l’amour. Rapports de domination et de soumission dans le couple, orgueil et humilité, vérités, mensonges et manipulations, plaisirs et dégoûts, joies et souffrances, raison et folie… Toutes ces thématiques sont développées en variations hétérosexuelles, homosexuelles, amicales, filiales, de façon crue et sophistiquée à la fois. Dans une ambiance lourde, étouffante, de plus en plus décadente au fil du film, le texte jaillit en dialogues subtils, incisifs, souvent cruels, parfois déchirants. Il témoigne d’une sensibilité aiguë aux rapports humains et d’une grande intelligence dramatique. L’histoire se déroule dans un environnement réduit et baroque, sur un fond peint de corps masculins alanguis (la reproduction d’un tableau de Poussin, « Midas et Bacchus ») ou un arrière-plan constitué de mannequins féminins nus, diversement mis en scène. Au milieu : un lit, lieu de toutes les rencontres, de tous les secrets échangés, de toutes les unions et ruptures, lieu de vie, de plaisir et de mise à mort. La structuration de l’espace scénique, la direction des acteurs et la composition des plans sont d’une précision remarquable pour que tout fasse sens, symboliquement, en beauté. Les personnages, complexes, sont servis par des actrices excellentes. Le plus mystérieux et fascinant de ces personnages est sans aucun doute celui de Marlène (la secrétaire), présence muette, qui entend tout, voit tout, sait tout. Sphinx masochiste qui clôt le drame de façon stupéfiante.
Frédéric Viaux (film vu le 04/08/1997, revu le 11/06/2012)