Sans filtre
Triangle of Sadness
Fiche technique
Mon avis
On pourrait presque dire que Ruben Östlund a obtenu deux Palmes d’or avec un seul film, tant The Square (2017) et Sans filtre (2022) sont proches en termes d’intention et de tonalité, et donc d’une certaine manière assimilables. On pourrait ajouter que c’est bien payé… Le réalisateur suédois ne manque certes ni d’ambition ni d’audace. Il se lance ici à nouveau dans une satire sociale des mœurs modernes en « embrassant large », passant au crible le monde de la mode, l’univers du luxe, le capitalisme, les rapports de domination entre classes sociales, entre hommes et femmes, sur fond de revendication égalitariste. Futilité, vulgarité, indécence, cynisme… Östlund n’a pas peur de générer le malaise et l’antipathie en agitant une brochette de personnages caricaturaux, symboliques d’une humanité en décadence, en perte d’âme et de conscience, qui continue à afficher ses tares quels que soient les retournements de situations. Et les situations dans le film sont effectivement retournées, les paradoxes épinglés, les travers accentués, les bassesses érigées en régime général. Le cinéaste assoit l’idée d’une humanité pourrie jusqu’au trognon. Irrécupérable. Soit. Le problème n’est pas dans la nature de son point de vue mais dans l’expression de son point de vue et dans ce qu’elle revêt. Le regard critique, la misanthropie féroce s’expriment avec une jubilation trash, une complaisance aux relents douteux. Et le cynisme de l’approche (pour fustiger le cynisme…) ne fait que confirmer le caractère vain de l’entreprise, en plus d’être un fourre-tout assez indigeste, démonstratif et longuet, pas exempt de facilités malgré quelques saillies d’humour noir décapantes.
Frédéric Viaux (film vu le 29/09/2022)