Sérénade à trois
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Fiche technique
Mon avis
C’est du cinéma-champagne où tout pétille de charme, d’esprit et de drôlerie. C’est aussi la parfaite illustration de la « Lubitsch’s Touch », faite d’élégance et d’amoralisme joyeux. Le film date de 1933, soit un an avant l’application du Code Hays. Une époque où l’on pouvait encore évoquer avec malice et plaisir un trio amoureux, et célébrer une vie de bohème épicurienne. Le scénario de Ben Hecht, inspiré d’une comédie boulevardière de Noël Coward, est ainsi d’une liberté, d’une audace et d’une modernité étonnantes. Mais ces trois qualités naissent moins du fond – le thème comique du ménage à trois, éculé – que de la forme : art subtil de l’allusion et du double sens, dialogues savoureusement caustiques voire absurdes… Le puritanisme, le matérialisme (bourgeois) et l’hypocrisie sont croqués à travers quelques répliques dont on se délecte. « L’immoralité est amusante mais elle ne peut remplacer la vertu à 100 % et trois repas complets par jour. » Ou encore : « La délicatesse, comme disent les philosophes, est la peau de banane sous la semelle de la vérité. » À ce petit bijou d’écriture la réalisation virtuose de Lubitsch donne un écrin ; elle contourne avec une finesse insolente les règles d’une censure déjà tatillonne : mise en scène suggestive, jeu avec des symboles visuels, science du hors-champ et de l’ellipse… À ce titre, le début du film, génial, donne le ton. Et l’ensemble est un bonheur de cinéma auquel contribue aussi largement le quatuor d’interprètes principaux : Miriam Hopkins, Gary Cooper, Fredric March, Edward Everett Horton.
François Truffaut adorait ce film dont il se souviendra pour Jules et Jim.
Frédéric Viaux (film vu le 08/03/1998, revu le 29/05/2020)