Tell Me Lies
Tell Me Lies
Fiche technique
Mon avis
Longtemps considérée comme perdue, la version complète de ce film a pu être reconstituée à partir d’une vieille copie (abîmée et amputée) détenue par Peter Brook et de fragments fournis par le FBI… En raison de son sujet sensible à l’époque, de son traitement engagé et satirique, Tell Me Lies a connu une diffusion pour le moins difficile et limitée. Prévu au festival de Cannes en 1968, ce film a finalement été retiré de la sélection par les organisateurs durant les événements de mai. La même année, il a toutefois été présenté au festival de Venise où il a reçu une mention spéciale du jury et le Prix de la critique, avant de disparaître plus ou moins de la circulation. Tell Me Lies est resté inédit en France jusqu’à sa sortie en octobre 2012, dans une version restaurée.
C’est le cinquième opus de la petite filmographie de Peter Brook (qui en compte neuf pour le cinéma). À l’origine, il y a une pièce de théâtre intitulée US, créée non par Peter Brook, mais par Denis Cannan. S’appuyant sur quelques comédiens de la Royal Shakespeare Company, le réalisateur en propose une adaptation bien dans l’air du temps, sur le fond comme sur la forme. Sur le fond, le film véhicule un engagement contre la guerre du Vietnam, sans se réduire pour autant à un pamphlet pur et dur. C’est l’une de ses qualités : faire entendre différents sons de cloche sur le conflit et avancer en mode réflexion : réflexion sur le sens de la guerre, les manipulations idéologiques, l’engagement politique, la responsabilité morale, le recours ou non à la violence pour faire entendre sa voix… Autre point appréciable : le fait que Tell Me Lies livre des considérations sur la guerre du Vietnam vue depuis la Grande-Bretagne, sans prétention universelle. Cet aspect contextuel est intéressant. Enfin, le film restitue bien l’agitation intellectuelle qui régnait alors. Sur la forme, on navigue entre documentaire et fiction. Le genre tient plutôt de l’essai. On songe tantôt à Peter Watkins, tantôt à Jean-Luc Godard. Le style témoigne d’une grande liberté de ton où se mêlent longs dialogues, reconstitutions, chansons satiriques…
Tell Me Mies est une œuvre intelligente, intéressante et inventive. On peut toutefois mettre un bémol au résultat final, dans le sens où Peter Brook s’est probablement laissé emporter par son sujet, le malaxant dans tous les sens et dans tous ses paradoxes, avec un bouillonnement intellectuel et un flot de paroles souvent captivants mais aussi parfois légèrement lassants sur la longueur. Un trop-plein qui laisse un petit sentiment de confusion, cohérent néanmoins avec les questionnements du film.
Frédéric Viaux (film vu le 22/10/2012)