The Lobster
The Lobster
Fiche technique
Mon avis
Une automobiliste armée d’un pistolet exécute un âne en pleine campagne. Un homme présente son chien comme son frère et énumère les qualités d’un crustacé. Une jeune femme devient un poney à crinière blonde… Dans la thématique « bestiaire au cinéma », ce film trouve une place de choix. Dans la catégorie « objets filmiques non identifiés », aussi. Au cœur du scénario, il y a une réflexion bien singulière sur l’amour, le couple et le célibat, via leurs représentations et fonctions sociales. Le cinéaste grec Yorgos Lanthimos (Canine, Attenberg, Alps…) transforme en systèmes totalitaires les pressions qui pèsent sur deux façons de vivre en société, seul ou à deux. Il développe ainsi deux tyrannies – une tyrannie du couple dans un cadre hôtelier, une tyrannie du célibat dans un cadre forestier – aussi impitoyables entre elles (la fameuse chasse aux Solitaires et ses représailles terroristes) qu’en leur propre sein. Le résultat oscille entre film de SF sociopolitique, comédie surréaliste et drame amoureux. Quelque part entre Orwell et Buñuel… Le réalisateur, loin de partir en vrille sur un mode décalé, déploie un récit très élaboré dans sa « logique absurde ». Inventivité romanesque et intelligence critique appliquée aux standards sociaux structurent un récit à la fois très carré et toujours surprenant. Cette inspiration originale et stimulante ne va pas toujours sans une certaine froideur schématique et quelques longueurs didactiques, mais l’humour noir, bien cinglant et sanglant, rend la chose globalement jubilatoire. Cerise sur le gâteau : le contre-emploi de Colin Farrell en bigleux-bedonnant.
Prix du jury au festival de Cannes 2015.
Frédéric Viaux (film vu le 03/11/2015)