Le Nom de la rose
Le Nom de la rose
Fiche technique
Mon avis
Le roman éponyme d’Umberto Eco était présumé impossible à adapter au cinéma. Impossible, en effet, de restituer toute la richesse de son contenu philosophique, théologique, littéraire, linguistique… Les scénaristes du film (Andrew Birkin, Gérard Brach, Howard Franklin et Alain Godard) ont pourtant réussi à produire une version fidèle, évidemment simplifiée, mais remarquable d’intelligence et de qualité dramatique. Si les passages érudits ont été supprimés au profit de l’intrigue policière et de la dimension spectaculaire, la substantifique moelle du chef-d’œuvre d’Eco a été conservée. Centrée sur la recherche du second tome de la Poétique d’Aristote, l’histoire développée par Jean-Jacques Annaud demeure un hommage à la puissance des livres contre l’obscurantisme, au pouvoir subversif du rire, à la force de la raison. Pour ce qui est de la reconstitution historique, on ne pouvait rêver meilleure mise en images. Le décor de l’abbaye (avec ses recoins obscurs et glauques, ses passages secrets, sa bibliothèque labyrinthique…) est inquiétant à souhait ; l’ambiance est mystérieuse et fascinante, entre gothique et fantastique, notamment grâce à un superbe travail sur la lumière. Pour parfaire l’aspect pictural de l’ensemble, les acteurs incarnant les moines ont été choisis pour leur trogne singulière. Certains (dont Ron Perlman, Helmut Qualtinger ou Volker Prechtel) semblent tout droit sortis de tableaux de Bruegel ou Bosch. Et pour mener l’enquête, passionnante, pas de meilleur interprète possible que Sean Connery. Il apporte élégance et humour à son personnage de Guillaume de Baskerville, dont le nom est un clin d’œil aux enquêtes de Sherlock Holmes. On n’oubliera pas non plus de citer Valentina Vargas, « la rose », dont la sensualité a nourri les rêves érotiques de nombreux adolescents à l’époque de la sortie du film.
Au final, Le Nom de la rose s’impose comme la référence absolue en matière de polar médiéval. Merveille de reconstitution, merveille de suspense, avec arrière-plan culturel de haut niveau. En brassant avec virtuosité et fluidité les tentations démoniaques ou lubriques, le goût pour l’érudition et la logique, l’expression de la foi, de la superstition, de la raison et de l’amour, le film fait grandement honneur au livre source.
Cette coproduction européenne, tournée principalement en Allemagne, en langue anglaise, a nécessité trois ans de préparation et a obtenu le César du meilleur film étranger en 1987.
Frédéric Viaux (film vu le 27/11/1993, revu le 18/12/2011)
J.-J. Annaud a relevé un défi impossible en adaptant de belle façon le roman foisonnant d’Umberto Eco. C’est un véritable polar médiéval, gothique, envoûtant, à la beauté étrange et au suspense haletant, dans un décor unique d’abbaye mystérieuse. Mais le véritable tour de force est d’avoir réussi à imprimer une ambiance insidieuse, inquiétante et constamment captivante. L’interprétation est internationale et de haut vol, avec un Sean Connery en moine pugnace, qui trouve là l’un des meilleurs rôles de sa carrière, le tout jeune Christian Slater qui débutait, l’étonnant Michael Lonsdale, Fred Murray Abraham qui, après Amadeus, trouvait un autre rôle fort, si court soit-il, et l’extraordinaire Ron Perlman que le grand public découvrait dans le rôle du moine Salvatore, difforme et dérangé. Un grand film d’atmosphère. À noter que le décor de l’abbaye est inspiré du château italien de Castel del Monte (Annaud y fait allusion dans les commentaires passionnants du DVD).