Les Graines du figuier sauvage
Daneh Anjeer Moghadas
Fiche technique
Mon avis
Un film très intelligemment pensé, écrit et réalisé, qui fait d’une cellule familiale la caisse de résonance de la situation sociale et politique d’un pays (l’Iran). Habile tissage entre microcosme et macrocosme, et entre fiction et histoire récente (les manifestions et les répressions qui ont suivi la mort de Jina Mahsa Amini en 2022). Un film courageux également, tourné clandestinement, dont la teneur critique envers le pouvoir iranien a inévitablement conduit l’équipe du film à l’exil.
Le scénario est remarquable dans sa progression narrative (une spirale cauchemardesque qui bascule du drame intimiste vers le thriller et la tragédie familiale), avec une grande intensité à la clé, qui va crescendo sur les 2 h 45 du film. Le réalisme se conjugue parfaitement au symbolisme (sans les petites lourdeurs démonstratives qui traversaient le précédent long-métrage de Mohammad Rasoulof, Le diable n’existe pas), de même que les images d’archives se conjuguent parfaitement aux images de la fiction. La caractérisation des personnages est nuancée, évolutive, avec des textes sobres, justes et forts, servis par des interprètes très convaincants, tandis que la réalisation, épurée et puissante, sert non seulement le mystère et le suspense de l’intrigue, mais aussi un propos sur des problématiques de conscience morale et politique, sur une quête de liberté face au fanatisme, sur une révolution féministe face à une autorité patriarcale. Dernier atout du film : les décors du dénouement, formés par les ruines d’un village abandonné et labyrinthique. Mémorables.
Prix spécial du jury au festival de Cannes 2024.
Frédéric Viaux (film vu le 19/09/2024)