A Dangerous Method
A Dangerous Method
Fiche technique
Mon avis
Les choses de l’inconscient irriguent l’imaginaire de David Cronenberg depuis ses débuts de cinéaste. Rien d’étonnant, donc, à ce qu’il remonte aux sources de la psychanalyse. Ce qui est plus surprenant, c’est le traitement de ce morceau d’histoire et des biographies de Jung, Freud et Spielrein. Le cinéaste, par le passé, nous avait habitués à une mise en scène imagée des troubles de l’inconscient, avec une matérialisation organique souvent monstrueuse, par le biais de mutations ou de mutilations. La Mouche, Faux-Semblants, Crash, Existenz ou Spider en témoignent. Mais dans ce film, rien de tel. La seule déformation corporelle qui nous est donnée à voir est celle qui résulte de l’expression de l’hystérie : expression traduite par le seul jeu de Keira Knightley. Sans artifice stylistique. Sans recours au fantastique ni à l’épouvante. L’esthétique de l’ensemble est classique et lisse ; le récit est chronologique et plutôt didactique. Pour un résultat impersonnel ? Disons que Cronenberg semble être resté très près de la pièce de théâtre dont le film est adapté : The Talking Cure, de Christopher Hampton (par ailleurs scénariste de l’adaptation). Une pièce elle-même inspirée d’un livre de John Kerr, A Most Dangerous Method. La version de Cronenberg est plutôt sage et cérébrale, mais elle jouit de bons dialogues, servis par de bons acteurs (Fassbender et Knightley en tête). Et si le réalisateur ne transcende pas son sujet, au moins le sert-il très honorablement, avec classe et précision. La présentation des rapports entre Jung et Freud, basés sur leur correspondance, est vraiment très intéressante. Sur un plan intellectuel et « professionnel », on suit le parcours de Jung, d’abord sous influence du maître, puis désireux de suivre ses propres convictions, contestant une lecture de l’inconscient par le seul prisme sexuel et souhaitant ouvrir la psychanalyse à des horizons spirituels qui dépassent la simple approche scientifique. Sur un plan social ou intime, quelques éléments biographiques aident aussi à mieux cerner les deux hommes, sous un angle critique, et à mieux comprendre leur opposition finale. Grâce à sa femme, Jung vit dans l’opulence et le luxe, tandis que Freud doit se contenter d’un confort petit-bourgeois. Le premier apparaît comme un homme plutôt fragile, tourmenté par un conflit intérieur entre ses pulsions et ses principes, un homme qui doute… À l’opposé, Freud assoit son autorité, révèle un ego surdimensionné et une grande raideur dogmatique. Entre les deux psychanalystes, il y a également un fossé socioculturel, Freud s’affirmant comme un juif face à son rival aryen. Enfin, le « plus » de ce film, c’est de permettre la découverte ou la redécouverte de Sabina Spielrein, cette femme au destin unique, qui eut une grande importance dans la vie privée de Jung, dans la relation entre Jung et Freud, et dans l’histoire de la psychanalyse, en ayant développé le concept de pulsion de mort.
Pour son trio de personnages principaux (deux hommes, une femme entre eux), A Dangerous Method est à rapprocher de Faux-Semblants. Les affiches de ces deux films, par ailleurs, ont une certaine parenté. Musique : Howard Shore.
Frédéric Viaux (film vu le 21/12/2011)