Apocalypse Now
Apocalypse Now
Fiche technique
Mon avis
L’ouverture sur la musique des Doors, l’attaque des hélicoptères sur fond de Chevauchée des Walkyries, la célébration du parfum du napalm au petit matin et des joies du surf par Robert Duvall, l’envoûtement poisseux d’une navigation lente, le visage hagard de Martin Sheen, le show de strip-tease au milieu de nulle part, l’arrivée stupéfiante au repaire de Kurtz, l’exaltation de Dennis Hopper, les monologues de Marlon Brando, le final hypnotique et sanglant… Autant de morceaux d’anthologie qui jalonnent ce chef-d’œuvre hallucinant, film de guerre contemplatif, voyage au bout de la folie des hommes, voyage au bout d’un enfer extérieur et intérieur : le film tient à la fois d’une aventure ample dans un contexte de guerre et d’une descente vertigineuse au tréfonds de l’humain, où se rejoignent dans une confusion sublime le bien et le mal, les puissances de vie et de mort, la beauté et l’horreur… Ici, la réalité concrète côtoie la dérive imaginaire, la politique tutoie l’absurde, la philosophie questionne la raison et le mythe. Projet démesuré. Et démesure incroyablement maîtrisée : par la mise en scène, monstre, d’un Coppola frappé de mégalomanie géniale ; par la photo, exceptionnelle, de Vittorio Storaro ; par les décors, impressionnants, de Dean Tavolaris… Et bien sûr par l’interprétation qui, pourtant, concernant Brando, a beaucoup relevé de l’improvisation. Sa performance est « héneaurme », dans un registre paradoxalement posé et furieusement inspiré. Mais c’est surtout Martin Sheen, plus discret et non moins excellent, qui tient tout le film. Bref, il y a là une alchimie rare, d’autant plus remarquable qu’elle résulte d’un processus long et chaotique. Tournage à rallonge aux Philippines, où un typhon a ruiné les décors, où une partie du matériel militaire était empruntée au dictateur Marcos qui s’en servait, en parallèle, pour lutter contre les rebelles communistes… Il a fallu composer également avec l’infarctus de Martin Sheen, lequel avait remplacé Harvey Keitel, remercié après quelques semaines de tournage ; avec les excentricités de Marlon Brando ; avec une réécriture sans fin du scénario ; avec des problèmes financiers… Coppola est allé jusqu’à engager ses fonds propres dans la post-production qui, elle aussi, s’est éternisée. Au final, près de quatre ans de galères pour accoucher de ce film-opéra, Palme d’or en 1979, Oscar de la meilleure photo et Oscar du meilleur son en 1980, fleuron du Nouvel Hollywood et joyau du septième art. L’obstination a du bon.
Inspiré très librement d’un roman de Joseph Conrad, Au cœur des ténèbres.
Frédéric Viaux (film vu le 26/10/1993, revu en version redux et remasterisée le 26/08/2019)