Boulevard du crépuscule
Sunset Boulevard
Fiche technique
Mon avis
Audacieux et inspiré. D’une élégance et d’une ironie sans pareilles. Boulevard du crépuscule est probablement le meilleur film jamais tourné sur Hollywood, du moins sur cette période des années 1940-1950, entre héritage du passé et aspirations nouvelles. Il évoque la décadence des icônes du cinéma muet à travers le personnage interprété par Gloria Swanson. Billy Wilder a offert à l’actrice le rôle de sa vie, dans un double sens : le rôle le plus marquant de sa carrière, mais aussi le plus autobiographique. Comme son personnage, Gloria Swanson, grande star du muet, était tombée dans l’oubli. En 1950, elle n’avait plus tourné depuis vingt ans. En la choisissant, Wilder eut une riche idée, mais une idée risquée. Pari payant. Composition extraordinaire.
Les correspondances entre fiction et réalité ne s’arrêtent cependant pas là. Autour de Gloria Swanson, dans le casting, on trouve le cinéaste et acteur Erich von Stroheim dans un rôle troublant de majordome, Cecil B. DeMille dans son propre rôle de réalisateur (les deux hommes avaient dirigé l’actrice par le passé), ou encore Buster Keaton attablé avec d’autres stars oubliées, pour une partie de bridge… Entre hommage et satire, Wilder cerne un monde déchu en un tableau aux accents funèbres, pathétiques, mais aussi baroques (le décor de la villa), grotesques et effrayants (le délire narcissique du personnage central, jusqu’à la folie). En contrepoint, le Hollywood moderne n’est pas épargné (notamment via le personnage du scénariste incarné par William Holden), critiqué pour son ingratitude et son appât du gain, au détriment de la création artistique. Enfin, pour couronner l’audace de cette fascinante mise en abyme, il faut souligner l’originalité du mode de narration : un long flash-back commenté en voix off par un homme… mort. Flash-back lancé et conclu par deux séquences géniales (celles de la piscine et de l’escalier), qui figurent dans toutes les bonnes anthologies.
Concevoir un tel scénario, réussir à le mettre en scène au sein même des studios hollywoodiens (Paramount Pictures), avec pareil casting, c’était osé. Au moment du tournage, pour éviter de trop attirer l’attention, le film avait d’ailleurs un autre titre, sous forme de nom de code : « Une boîte de haricots ». Précaution utile car après le tournage, à la suite d’une projection, l’un des magnats des studios, Louis B. Mayer, déclara qu’il faudrait chasser ce « bâtard » de la ville, « le rouler dans le goudron et dans la plume ».
Oscar 1951 du meilleur scénario, de la meilleure direction artistique et de la meilleure musique. Boulevard du crépuscule compte parmi les films préférés de David Lynch.
Frédéric Viaux (film vu le 19/08/2007)