De humani corporis fabrica
De humani corporis fabrica
Fiche technique
Mon avis
L’expression film-choc n’est pas ici galvaudée. On quitte la séance avec les tripes serrées et le cerveau sonné, avec l’impression de n’avoir jamais rien capté de pareil, au prix d’un puissant malaise. Les coréalisateurs donnent à voir et à entendre ce qui était probablement réservé jusque-là au monde médical (étudiants, chercheurs, spécialistes…). Pour le grand public, cette présentation frontale de différentes actions médicales ou chirurgicales, cette confrontation sans filtre au corps humain, en externe ou en interne, forment donc une expérience inédite, à la fois fascinante et terriblement éprouvante. D’un réalisme à la limite du soutenable à certains moments (les opérations). D’un réalisme à la limite de l’abstraction poétique à d’autres (l’examen des cellules cancéreuses). On navigue entre deux inclinations contradictoires : admiration pour une science et pour un dévouement au service de l’homme ; effroi face à une boucherie high-tech, face à une approche du corps-barbaque, face à un morcellement déshumanisant. Espoir et désespoir.
Verena Paravel et Lucien Castaing-Taylor ont fait un pari extrêmement audacieux et radical. Louable dans l’intention. C’est tout à leur honneur d’aller toujours hors des sentiers battus et de proposer, à chaque film documentaire, une expérience nouvelle (Léviathan, Caniba). Néanmoins, leur cinéma pose aussi des questions éthiques. Il y a une gêne à voir filmer des personnes qui n’ont plus toute leur tête ou des personnes décédées. Il y a une gêne à voir étirer en longueur des scènes difficiles. Façon SM. Bref, quid de l’articulation entre l’obsession de tout montrer, la morale et le droit ?
Le film reprend le titre du livre fondateur de l’anatomie moderne, d’André Vésale (16e siècle).
Frédéric Viaux (film vu le 16/01/2023)