Eraserhead
Eraserhead
Fiche technique
Mon avis
C’est le premier long-métrage de David Lynch, réalisé avec peu de moyens mais témoignant déjà d’une grande maîtrise de la forme, dans un registre expérimental d’une inventivité inouïe. Cette forme, en noir et blanc contrasté, est le véhicule tourmenté, halluciné, d’un trip unique. Déroutant, malaisant et fascinant à la fois. Un voyage dans la psyché d’un homme terrifié par la procréation et la parentalité. Le réalisateur présentait son film comme un « rêve de choses sombres et troublantes ». Allons jusqu’à parler de cauchemar, dont le sujet est la vie de couple avec enfant, perçue comme une aliénation et un enfer. Lynch s’est emparé de ce thème comme probablement personne ne l’avait fait avant lui. Avec audace et grande modernité pour l’époque, mais sans ménagement pour la sensibilité du spectateur, et toujours hors des sentiers balisés de la narration. Il est allé sonder des peurs viscérales et libérer des monstres de l’inconscient. Parmi ces monstres, le personnage du bébé ou gros fœtus, à l’écran, compte parmi les plus mémorables (et traumatisants) de l’histoire du cinéma. Mémorable aussi est le personnage principal, interprété par Jack Nance, avec ses cheveux dressés sur la tête, ses expressions d’inquiétude, d’incompréhension, de sidération. À noter enfin que ce film est une vraie matrice de l’œuvre à venir de Lynch (tous supports artistiques confondus) : l’inspiration cauchemardesque, le sens de l’étrangeté dans les décors, l’humour noir et absurde, le thème de la monstruosité, les relations parents-enfants, le rapport à l’industrialisation…
Pour l’anecdote, c’est après avoir vu ce film que Mel Brooks, producteur d’Elephant Man, décidera d’en confier la réalisation à David Lynch. De son côté, Stanley Kubrick préparera son adaptation de Shining en demandant aux membres de son équipe de regarder Eraserhead, histoire de les « mettre dans l’ambiance ».
Frédéric Viaux (film vu le 04/11/1995, revu le 09/02/2025)