Faust
Faust
Fiche technique
Mon avis
C’est un film horriblement beau. Paradoxal et protéiforme. Cette variation sur le mythe de Faust, librement inspirée de l’œuvre de Goethe, est à la fois raffinée et monstrueuse. Sur le plan visuel, Alexander Sokourov s’adonne à un expressionnisme forcené, filmant avec un filtre verdâtre et n’hésitant pas à déformer ses images pour créer une esthétique glauque et déstabilisante. Les images sont lourdes et nerveuses, captant dans un cadre souvent étroit les contorsions des corps rapprochés, caressés, heurtés, transpercés, éventrés… Quand le cadre est plus large, les plans sont composés comme des tableaux, sous l’influence revendiquée de peintres allemands tels qu’Altdorfer ou Spitzweg. Avec toujours quelque chose de plombé et d’étouffant. C’est une esthétique du malaise. En matière de dialogues (dont la langue est l’allemand, par fidélité au mythe de Faust), on trouve une autre dualité, un mix de propos vulgaires et philosophiques, bouffons et profonds. Parfois abscons. Il est question de matérialisme et de spiritualité, d’âme et de chair. De pouvoir et de corruption aussi. Cette dernière association est d’ailleurs la thématique d’une tétralogie que Sokourov clôt avec ce film, après avoir réalisé Moloch, Taurus et Le Soleil.
Fond et forme associés donnent ainsi un genre hybride. Entre réalisme (souci du détail dans les décors, les costumes) et dimension fantastique (ambiance étrange, intrusion d’éléments troublants dans le quotidien). Entre drame intime (questionnements existentiels) et visions spectaculaires (tournage des dernières scènes en Islande, dans un paysage sinistre et chaotique). Entre comédie (accents grotesques véhiculés par le personnage de l’usurier, nouveau Mephisto) et tragédie (mort et damnation).
Au final, cette adaptation de Faust apparaît comme un objet unique, fascinant par sa beauté bizarre, son ambition narrative, le jeu étonnant des acteurs, mais aussi un peu assommant par sa longueur et ses mélanges de tons qui laissent parfois dans une certaine confusion.
Lion d’or au festival de Venise 2011. Photographie de Bruno Delbonnel, le chef opérateur du Fabuleux Destin d’Amélie Poulain (!).
Frédéric Viaux (film vu le 29/06/2012)