Gainsbourg (Vie héroïque)
Gainsbourg (Vie héroïque)
Fiche technique
Mon avis
Surtout reconnu comme auteur de BD, célèbre pour son excellent Chat du rabbin, Joann Sfar a vu grand pour son premier long-métrage en tant que réalisateur. Gros budget et casting imposant pour cerner l’histoire et la personnalité d’une icône inclassable de la chanson française. Sfar ne s’est pas trop laissé étouffer par son sujet. Il l’a nourri de son imaginaire, de sa fantaisie, notamment en introduisant des “doubles” de Gainsbourg à différents moments de sa vie, comme des projections de sa conscience ou différentes facettes de son “moi” : la grosse tête sortie d’une affiche antisémite sous l’Occupation et surtout “la Gueule” qui incarne l’inspiration créatrice du chanteur-compositeur et sa tendance décadente. Cet imaginaire ainsi que la liberté prise avec la réalité justifient la mention que l’on trouve au début du film et sur l’affiche : “Un conte de Joann Sfar.”
Malheureusement, le conte est plus réussi dans sa première moitié que dans sa seconde, l’originalité du film déclinant dès que “la Gueule” se fait plus rare, lorsque Gainsbourg est déjà un auteur célèbre. Le film est alors plus convenu, plus illustratif, et révèle des faiblesses qui étaient moins perceptibles au début, à savoir que le scénario se limite à une suite de scènes de vie, façon sketches, une rencontre amoureuse chassant l’autre, une provoc’ chassant l’autre. Il manque un fil conducteur plus marqué et une hauteur de vue qui nous fassent oublier le petit jeu proposé aux spectateurs au gré des épisodes et des rencontres, celui de comparer la ressemblance et la performance des acteurs par rapport à leurs modèles. À ce petit jeu, qui nous fait sortir un peu de l’histoire, Éric Elmosnino casse la baraque, tant par son physique que par sa gestuelle. Laetitia Casta est aussi très convaincante en Brigitte Bardot. Mais on reste perplexe face à Philippe Katerine en Boris Vian, Sara Forestier en France Gall… Ce niveau inégal des “incarnations” fait écho au niveau inégal des reprises des chansons de Gainsbourg par les acteurs eux-mêmes ou des chanteurs contemporains sollicités pour l’occasion. Si l’on peut comprendre le parti pris, on demeure tout de même frustré d’entendre si peu la voix de Gainsbourg dans ce biopic qui lui est consacré. Biopic qui laisse au final un sentiment mi-figue mi-raisin, plus anecdotique que profond, et pas totalement abouti dans sa fantaisie. Pour un premier essai cinématographique, le projet était peut-être un poil trop lourd et ambitieux…
Dans le casting hétéroclite, on note la présence de Joann Sfar lui-même (il incarne Georges Brassens) et d’un autre auteur de BD, Riad Sattouf. Quelques chanteurs : Mathias Malzieu, Gonzales… Un biographe de Gainsbourg : Gilles Verlant. Un réalisateur : Claude Chabrol. Et trois ex de la troupe des Deschiens : Yolande Moreau, Philippe Duquesne et François Morel. Le film est par ailleurs dédié à l’actrice Lucy Gordon (Jane Birkin à l’écran) qui s’est suicidée peu après le tournage.
César 2011 : meilleur acteur (Éric Elmosnino), meilleure première œuvre et meilleur son.
Frédéric Viaux (film vu le 09/09/2012)