In the Mood for Love
Fa yeung nin wa
Fiche technique
Mon avis
Un film d’une élégance folle. Une quintessence de la mélancolie. La virtuosité de Wong Kar-wai touche ici au sublime, sans être uniquement un exercice de style, comme dans certaines de ses autres réalisations, et en étant limpide au niveau narratif, à la différence de certaines de ses autres réalisations. Cette virtuosité orchestre, avec une sophistication et une fluidité sans pareilles, un ballet de désirs et de sentiments retenus. Le ballet d’un amour manqué. Le ballet de deux amants qui ne feront jamais que se croiser, ou presque, dans des ruelles, des couloirs, toujours les mêmes, filmés avec un sens de la répétition envoûtant, hypnotique. La caméra saisit le temps qui se répète, mais aussi le temps qui passe. Et l’amour, la vie qui s’échappent. Les secrets qui restent. Froissement d’étoffes, jeux de regards, dits et non-dits, étreintes furtives et larmes amères. La fibre mélo s’accompagne également d’un regard pertinent sur une société machiste et hypocrite (celle du Hong Kong des années 1960), avec ses tabous et ses interdits, qui tient notamment pour normale l’infidélité masculine mais stigmatise l’infidélité féminine.
À ce mélo social (au récit parfois un peu appuyé, notamment sur la fin, dans la tradition des mélos asiatiques des décennies d’après-guerre) Wong Kar-wai a donné un écrin romantique, délicieusement vintage, d’une précision et d’un luxe de détails quasi fétichistes. Les décors et les costumes sont superbes, avec une mention spéciale pour les robes à fleurs portées par Maggie Cheung ; les compositions de plans et les couleurs sont d’une délicate beauté. Quant aux deux acteurs principaux (Tony Leung et Maggie Cheung), ils portent l’histoire avec un lyrisme discret et subtil, et voient tous leurs mouvements, même les plus infimes, gracieusement soulignés par le thème musical principal du film, signé Shigeru Umebayashi. Un thème bijou, célèbre à jamais, qui s’inscrit dans une BO au mélange de styles improbable mais magique.
On peut aussi noter la science du réalisateur en matière de ralentis et de moments suspendus, son inventivité à la fois dans l’idée de ne jamais montrer les conjoints des personnages centraux et dans les petits jeux de rôles qu’il met en scène, entre ces deux personnages centraux (qui passent alors du vouvoiement au tutoiement), jetant un trouble émouvant dans la narration. On peut aussi se laisser bercer. Simplement. Infiniment.
Prix d’interprétation masculine pour Tony Leung au festival de Cannes 2000. César 2001 du meilleur film étranger.
Frédéric Viaux (film vu le 16/11/2000, revu le 08/09/2024)