J’accuse
J’accuse
Fiche technique
Mon avis
Alors, bien sûr, ce n’est pas un mauvais film. Tout se tient : le scénario, la mise en scène, la photo, les décors, les costumes… Et l’intérêt de retracer cette histoire d’injustice, ce scandale d’État, tout en évoquant un antisémitisme qui trouve des résonances contemporaines dans toutes les formes de racisme ambiant, est réel. Mais on peut n’apprécier que moyennement la facture d’ensemble : ultra académique, avec un petit côté caricatural de film institutionnalisé, calibré « patrimoine français », estampillé « qualité française » (le film est produit notamment par France 2 et France 3). Le discours est politiquement correct, antidiscriminatoire, sans pour autant aller trop farfouiller dans la fange idéologique de l’époque, le tableau social n’étant finalement que la toile de fond d’une intrigue divertissante qui s’appuie sur une formule traditionnelle de nombreux polars, thrillers et autres films d’espionnage : un faux coupable + un héros justicier.
Côté casting, on a rarement vu autant de sociétaires de la Comédie française rassemblés dans un film (voilà qui assoit encore plus la « qualité française » du film), aux côtés d’une pléiade d’acteurs connus qui investissent tous les rôles, même les plus petits (le tournage de ce film était manifestement « the place to be »). On sort ainsi souvent du récit pour se dire : « Oh tiens, c’est Machin dans le rôle de l’avocat ; oh tiens, c’est Machin dans le rôle du général. » Il y a aussi du : « Oh tiens, ce serait pas Polanski en habit d’académicien ? » (Modeste, le réalisateur…) Bref, le côté « m’as-tu vu » mange parfois le traitement du sujet et c’est dommage. De son côté, Jean Dujardin, dans le rôle principal, prend son travail très au sérieux. On sent qu’il a conscience de « jouer au grand acteur ». Il était plus naturel, touchant et convaincant dans son précédent film, Le Daim, sous la direction de Quentin Dupieux.
Casting et reconstitution de luxe accouchent au final d’un drame théâtralisé, un peu lourd et prétentieux. Où l’on assène la « réplique qui tue » en gros plan, en laissant le temps au spectateur de mesurer à quel point c’est « une réplique qui tue ». Et au cas où ledit spectateur n’aurait pas encore pleinement pris conscience du génie de l’instant, on nous sert une grosse louche du potage musical d’Alexandre Desplat (qu’on a connu plus fin). Il est donc bien difficile, dans un cadre aussi formaté et artificiel, de ressentir la moindre émotion.
Grand Prix du jury au festival de Venise 2019. César 2020 du meilleur réalisateur, de la meilleure adaptation et des meilleurs costumes.
Frédéric Viaux (film vu le 15/11/2019)