Joker – Folie à deux
Joker - Folie à deux
Fiche technique
Mon avis
Difficile d’embrayer après avoir atteint des sommets dans le premier volet des aventures du Joker. Mais la nouvelle donne, dans ses fondements, est intéressante, toujours aussi noire, plus intimiste, moins spectaculaire. Avec deux originalités majeures : l’irruption de l’amour dans la vie désespérante d’Arthur Fleck et les embardées imaginaires en mode chanté-dansé. Il y a de l’audace dans cette configuration qui prend partiellement le contre-pied du « premier Joker ». Et du talent à tous les niveaux : scénario bien filé avec le récit qui précède, belles idées de mise en scène, interprétation toujours aussi hallucinante de Joaquin Phoenix qui forme avec Lady Gaga un duo magnétique. Au niveau des idées, si le questionnement autour de la raison et de la folie est classique, la réflexion sur l’homme et le mythe est plus singulière, avec l’évocation de ce que représente une icône sociale, le processus d’identification des foules et le besoin d’idolâtrer. À ce titre, le chemin pris par le scénario est d’un désespoir total, avec l’attestation que la vraie personnalité d’Arthur Fleck n’intéresse personne, à l’inverse du personnage qu’il s’est créé, et que l’on ne peut impunément casser un mythe. Arthur Fleck en fait les frais ; le film aussi, d’une certaine manière : le sabotage du mythe va décevoir les fans du Joker, ce qui équivaut par ailleurs à un auto-sabotage commercial…
Au-delà de ces considérations, si les deux premiers tiers du récit électrisent en distillant le même malaise que dans le premier volet, si le drame monte en puissance de manière très prometteuse, le dernier tiers est moins convaincant avec quelques idées peu abouties (la manipulation populiste), des rebondissements mal amenés et justifiés (la fin du procès, la dernière séquence dans le couloir de la prison), un trop-plein de chansons et une volonté un peu trop évidente d’ouvrir sur une suite possible (la descendance du héros malheureux). C’est dommage, car la radicalité déchirante de l’histoire a quelque chose d’unique.
À noter que le titre en VO est étonnamment en français (Folie à deux) et que le film est (étonnamment aussi) précédé d’un court-métrage d’animation sur le Joker, réalisé à la manière des Looney Tunes par… Sylvain Chaumet (Les Triplettes de Belleville, L’Illusionniste).
Frédéric Viaux (film vu le 03/10/2024)