Joker
Joker
Fiche technique
Mon avis
Surprise totale, et bonne claque, pour ce film qui semblait s’inscrire, en tant que prequel aux aventures de Batman, dans la lignée des films de super-héros, avec ce que cela suppose de conventions ou de convenances propres aux blockbusters commerciaux. Eh bien ce Joker s’affranchit de tout formatage hollywoodien et sidère par son réalisme, sa noirceur, sa radicalité. Autre surprise : le film est co-écrit et réalisé par Todd Phillips (Very Bad Trip) que l’on n’attendait pas dans ce registre et à ce niveau-là.
L’action a pour cadre un Gotham City très proche visuellement du New York des années 1960-1970 et se déploie dans un contexte sociopolitique tout en résonances contemporaines. Où l’on évoque le mépris des élites politiques, l’abandon et l’humiliation des plus fragiles et des plus pauvres, la violence prête à exploser… On peut voir dans le scénario l’expression d’un effondrement du rêve américain ou, plus largement, une métaphore de la décadence de nos sociétés mondialisées, où les sentiments d’oppression et d’injustice amènent à la révolte et au chaos. En ce sens, le film pourrait faire date socialement. Miroir et anticipation ? En tout cas, il fera date cinématographiquement. Au-delà de l’audace du scénario, de son habile tissage narratif pour établir des liens avec les débuts de Batman, on note quelques influences brillamment digérées (La Valse des pantins, Taxi Driver, V pour Vendetta…) pour un résultat unique et très fort. On apprécie la virtuosité de la réalisation, la direction d’acteurs hyper chorégraphiée. Et que dire de l’interprétation de Joaquin Phoenix, dancer in the dark, tout en os et en rire dément ? Il a une façon saisissante de distiller le malaise, d’annoncer le potentiel horrifique de son personnage, tout en éveillant une sombre empathie. Monstrueusement touchant.
Lion d’or au festival de Venise 2019. Oscar 2020 du meilleur acteur et de la meilleure musique originale.
Frédéric Viaux (film vu le 14/10/2019)