L’Année dernière à Marienbad
L'Année dernière à Marienbad
Fiche technique
Mon avis
Chef-d’œuvre d’intelligence et d’audace expérimentale pour les uns, coquille au formalisme désuet, vide ou absconse, pour les autres, ce film a beaucoup divisé lors de sa sortie et continue de diviser. Après avoir sollicité Marguerite Duras pour le scénario de son précédent long-métrage, Hiroshima mon amour, Alain Resnais s’est tourné vers Alain Robbe-Grillet pour le scénario de celui-ci. Scénario très « Nouveau Roman », donc. Monologues incantatoires, descriptions détaillées du quotidien, répétitions et variations, jeux sur la réalité et l’imaginaire. Pas de dramaturgie classique. Pas de certitudes narratives pour le spectateur. Mais un dispositif mental où l’on entre, ou pas. Un dispositif ouvert aux conjectures et interprétations multiples. Où il est question de vide existentiel, de séduction, d’amour, des choses du conscient et de l’inconscient… Pour peu que l’on soit intrigué et pas rebuté d’entrée, pour peu que l’on accepte un temps d’adaptation, alors on peut goûter, de plus en plus au fil des minutes, le charme unique de ce film, la cohérence totale de cette expérience de cinéma. On peut apprécier sa qualité littéraire, son rythme envoûtant, sa langueur trouble, inquiète ou passionnée, son orchestration minutieuse, ses travellings d’une élégance folle, sa poétique des espaces, son dédale d’images et de sons via un montage déroutant, son noir et blanc magnifique… Mais aussi son esprit de construction, déconstruction, reconstruction, entre passé, présent, futur. Et surtout sa volonté de sortir de l’inertie et du vide. Cela semble être à la fois la volonté du personnage de l’homme à l’accent italien et celle du réalisateur, Alain Resnais, pour ce film, pour tous ses films d’ailleurs. Sortir des sentiers battus, aller vers l’inconnu, accepter de se perdre pour mieux se trouver ou trouver l’objet de ses désirs. C’est toute la beauté de cette écriture filmique inédite, mystérieuse et fascinante.
Lion d’or au festival de Venise 1961. Ce film a par ailleurs lancé la carrière au cinéma de Delphine Seyrig, auparavant actrice de théâtre, et permis à Volker Schlöndorff de se faire la main en tant que second assistant réalisateur.
Frédéric Viaux (film vu le 08/12/1996, revu le 11/04/2021)