L’Ordre et la Morale
L'Ordre et la Morale
Fiche technique
Mon avis
On ne peut pas dire que les réalisateurs français soient généralement très enclins à aborder l’histoire récente de leur pays, à l’inverse des réalisateurs états-uniens, par exemple. Le fait que Mathieu Kassovitz s’attache à traiter la tragédie de la grotte d’Ouvéa est donc en soit une démarche à saluer, d’autant plus que le sujet est sensible et que les obstacles pour monter ce projet ont été nombreux. Ce film marque aussi le retour du réalisateur à un cinéma engagé, après avoir signé quelques films de genre (thriller, SF) plus impersonnels, notamment à Hollywood.
Kassovitz s’inspire ici des récits du capitaine Legorjus, tout empreints de mauvaise conscience et porteurs d’une condamnation sans appel de l’armée et du gouvernement français de l’époque, coupables à ses yeux d’avoir privilégié la démonstration de force au règlement pacifique, à des fins politiciennes dans un contexte électoral. Le côté “témoignage à charge” est une limite du film que l’on peut trouver trop subjectif et manichéen. Le scénario fonctionne en effet par opposition : gendarmerie / armée, Élysée (F. Mitterrand) / Matignon (J. Chirac), loyauté / trahison. Il n’en est pas moins captivant dans sa façon d’analyser la situation d’alors et de cerner les enjeux cachés derrière ce qu’on a appelé pudiquement “les événements” de 1988. Le cinéaste et acteur évoque les relents du colonialisme, les manipulations politiques, tout en soignant l’action et le suspense. L’ensemble est joliment maîtrisé, ponctué de belles idées de mise en scène (notamment lors de la reconstitution de l’attaque de la gendarmerie). On sent que le réalisateur s’est aussi “fait plaisir” avec quelques séquences de guerre, façon Platoon ou Apocalypse Now. C’est un poil démonstratif mais bien fait. Pour les dialogues, c’est un peu le même topo : parfois trop écrits, mais de qualité.
Au final, il faut prendre ce film pour ce qu’il est : un film à thèse, efficace, qui a le mérite d’éveiller les consciences sur un sujet tragique et politique, entouré de zones d’ombre.
Frédéric Viaux (film vu le 05/12/2011)