La Cité des femmes
La città delle donne
Fiche technique
Mon avis
Federico Fellini explore ses propres fantasmes en les transférant à son double à l’écran, le personnage de Snaporaz, incarné par Marcello Mastroianni. Il convoque ses souvenirs et obsessions pour brosser son propre portrait, celui d’un séducteur macho moyen, jouet de ses désirs débridés, gentiment ridicule et dépassé par deux mouvements qu’il semble juger aussi outranciers l’un que l’autre : un féminisme belliqueux (cf. la représentation de la convention féministe) et une phallocratie narcissique (cf. le portrait du docteur Katzone, ogre sexuel). Le cinéaste donne à voir une guerre des sexes à distance, aux accents extrêmes, durant un voyage fantasmagorique et baroque. Il laisse parler un imaginaire parfois lourd et gênant (la séquence avec la motocycliste à la campagne), plus globalement amusant, étonnant. Un imaginaire déployé avec ampleur, avec luxe de moyens, qui titille constamment la curiosité en passant d’un univers à un autre. Un imaginaire qui n’exclut ni l’autodérision ni l’autocritique (Fellini, via Snaporaz, évoque sa façon d’être en couple, son manque de considération pour sa femme, son irresponsabilité et sa lâcheté). Un imaginaire nourri de visions qui tiennent finalement plus souvent du cauchemar que du rêve joyeux, jusqu’à la séquence finale, empreinte d’une poésie et d’une mélancolie sombres (la fête foraine, le toboggan géant pour revisiter le passé, le ballon de montgolfière aux formes féminines…). Nostalgie, angoisse, solitude, amertume. On peut évidemment reprocher au film son manque de nuances, sa vision générale des femmes, certaines complaisances, peut-être son passéisme et sa longueur, mais l’inventivité « phénoménale » de cette aventure introspective, son étrange beauté onirique, emportent largement le morceau. Il y a tellement de cinéma dans ce film…
Frédéric Viaux (film vu le 15/08/2000, revu le 10/08/2023)