Largo Winch
Largo Winch
Fiche technique
Mon avis
De la BD au film
Ce sont les deux premiers tomes de la série BD, à savoir L’Héritier et Le Groupe W, qui ont servi de base au scénario du film, lequel reprend également quelques éléments des tomes 3 et 4, OPA et Business Blues. Tout commence donc par l’assassinat de Nerio Winch, puissant homme d’affaires à la tête d’un des plus grands groupes financiers du monde. Alors que ses collaborateurs se querellent au sujet de sa succession, un mystérieux héritier fait son apparition, tout droit sorti d’une geôle brésilienne. Largo Winch, initié en secret aux plus hautes fonctions dès son plus jeune âge, prend alors le contrôle du groupe et doit faire face à une tentative d’OPA d’un magnat russe.
Au petit jeu des comparaisons avec la BD, on note quelques variantes « historiques », notamment dans la biographie de Nerio, et quelques déplacements géographiques : l’action principale ne se situe plus à New York mais à Hong Kong, par exemple. Le personnage de Simon Ovronnaz a quant à lui été supprimé. En revanche, des scènes ont été ajoutées, validées par Van Hamme lui-même. Grosso modo, on retrouve le cocktail qui a fait le succès de la BD : un jeune héros milliardaire, cool et taillé pour l’aventure, une quête identitaire, une intrigue financière, de l’espionnage, des trahisons, un zest d’amour et d’humour.
À l’américaine
Jérôme Salle, dont c’est le deuxième film (après Anthony Zimmer), a eu les moyens de son ambition : 25 millions d’euros. Idéal pour espérer jouer dans la cour des grands, en l’occurrence celle des Américains. Une intention qui n’a rien de critiquable en soi, mais encore faut-il pouvoir soutenir la comparaison. Le réalisateur français semble avoir voulu filmer « à la manière de ». Les effets de mise en scène, les cascades et le rythme soutenu révèlent un style assez impersonnel et conventionnel. On a l’impression de regarder un sous-James Bond ou un sous-Jason Bourne.
Côté narration, les multiples va-et-vient entre passé et présent, ou entre différents lieux d’action, génèrent parfois une certaine confusion, surtout au début du film. Par ailleurs, ce qui peut suffire à une BD de 48 pages ne suffit pas forcément à un film de 2 heures, même si on aligne plusieurs histoires comme c’est le cas ici. Les scénaristes (Jérôme Salle et Julien Rappeneau) ont égrené les scènes d’action et les coups de théâtre (jusqu’à la surenchère) sans étoffer assez les personnages, dont la psychologie ou les émotions sont pour le moins sommaires.
Le casting
Pour incarner Largo, c’est Tomer Sisley qui a été choisi. On a pu le voir en première partie d’un spectacle de Jamel Debbouze, ou encore dans les films Absolument Fabuleux et Truands. Il ne ressemble pas au héros de la BD, crieront les puristes. C’est vrai. Mais au-delà de cette différence physique, on ne peut pas dire qu’il manifeste une grande expressivité. Sobre, diront les uns. Atone, diront les autres. Miki Manojlovic, qui joue Nerio Winch, apparaît bien fade lui aussi, comme éteint. On l’a connu plus intense chez Kusturica. Quant à Mélanie Thierry, elle n’est pas vraiment crédible dans le rôle de Léa/Naomie, agent double, opportuniste et vénal. Autre incongruité : Benjamin Siksou (finaliste 2008 de la Nouvelle Star sur M6…), un peu trop âgé et pas assez ressemblant à Tomer Sisley pour jouer Largo adolescent. Celui qui s’en tire le mieux, finalement, est Gilbert Melki, malgré le manque d’épaisseur de son personnage. Un casting assez cosmopolite pour un film où l’on parle anglais, français et serbo-croate.
L’adaptation en question
Dans la foulée des adaptations à succès de comics américains, les cinéastes français se penchent de plus en plus, ces dernières années, sur le patrimoine de la BD franco-belge. Avec plus ou moins de bonheur et de réussite. Astérix, Michel Vaillant, Blueberry, L’Enquête corse… Le problème est toujours le même : trouver un subtil dosage entre fidélité à l’œuvre originale (pour ne pas décevoir les fans) et innovation, afin d’apporter quelque chose en plus. Bref, s’affranchir un peu du modèle pour faire œuvre créatrice et non copie. Tim Burton s’est ainsi réapproprié Batman, en développant son propre imaginaire gothique, sa noirceur, sa poésie. Et dans le genre « très librement adapté », l’Astérix d’Alain Chabat était une vraie réussite (n’en déplaise à Uderzo) grâce à une touche d’humour absurde et un casting surprenant. C’est ce souffle nouveau, ce « supplément d’âme », qui manque à Largo Winch. Le film se regarde sans ennui, certes, mais sans surprise ni passion.
Musique : Alexandre Desplat.
Frédéric Viaux (film vu le 08/12/2008)
Article paru sur le site culturclub.com