Les Amants sacrifiés
Supai no tsuma
Fiche technique
Mon avis
Le titre en VF est à l’image du film : à côté de la plaque. Il n’est pas question d’amants, mais d’un couple. Et la notion de sacrifice laisse perplexe… Le scénario s’articule autour de faits historiques peu connus, et donc intéressants à mettre en lumière : des crimes de guerre – et crimes contre l’humanité – perpétrés par une unité de l’armée japonaise en Manchourie au début des années 1940. Mais cette matière dramatique riche n’est qu’effleurée. Ryusuke Hamaguchi (coscénariste) et Kiyoshi Kurosawa (réalisateur) sont passés à côté d’un bon sujet, préférant se fourvoyer, chacun dans leur domaine, dans un pseudo registre d’espionnage mâtiné de mélodrame. L’intrigue, égrenant au début quelques scènes fades ou répétitives, met du temps avant de se lancer, puis brille par son manque de cohérence et sa confusion finale. Le personnage féminin central (campé par une actrice qui minaude beaucoup) est bien mal dessiné dans ses évolutions, paraissant tantôt nunuche, tantôt avec une longueur d’avance en termes d’intelligence. Quelques dialogues sont par ailleurs d’une belle balourdise romantique. Côté mise en scène, Kiyoshi Kurozawa donne dans un classicisme illustratif souvent théâtral. Il signe au passage l’une des pires scènes vues au cinéma depuis longtemps en matière de direction d’acteurs : la scène de dénonciation sur le cargo. L’image, quant à elle, a été hyper retouchée à la suite d’un tournage en 8K aux effets trop réalistes. Le résultat est étrangement artificiel. Et le montage, mollasson ou déroutant, n’aide ni à entretenir l’intérêt ni à éclaircir le fond de l’histoire. On navigue ainsi entre ennui et exaspération, se consolant au passage avec des éléments anecdotiques, comme la grande élégance vestimentaire du personnage masculin principal. Et l’on se dit que la carrière de Kiyoshi Kurozawa, après des débuts prometteurs (Cure, Kaïro…) suivis de films plus ou moins décevants (Shokuzai, Vers l’autre rive, Creepy, Invasion…), ressemble à une décadence sans fin.
Lion d’argent de la meilleure mise en scène au festival de Venise 2020 (!).
Frédéric Viaux (film vu le 23/12/2021)