Les Moissons du ciel
Days of Heaven
Fiche technique
Mon avis
C’est le deuxième long-métrage de Terrence Malick, son chef-d’œuvre à ce jour. Et l’un des plus beaux films jamais tournés. Tableau d’une époque, il évoque l’industrialisation en marche, l’exploitation de la population ouvrière, les travaux des champs. Sur le plan social, on songe aux Raisins de la colère, de John Ford. Et sur le plan formel, certains plans sont dignes des toiles de Millet. Mais le réalisateur transfigure ces références cinématographique et picturale pour faire œuvre unique. Dépassant la dimension sociologique, embrassant dans une même contemplation le drame des passions humaines et les vibrations de la nature, il fait jaillir un lyrisme sublime, qui touche à la fois au terrestre et au divin.
L’histoire est simple et bouleversante. La narration procède par petites touches, avec pour fil directeur la voix off de Linda, petite fille à la voix et au visage singuliers, tout droit sortie d’un roman de Faulkner. Les dialogues sont rares, mais quelques mots et regards suffisent pour exprimer l’essentiel. Le récit avance comme en apesanteur, alignant des moments suspendus avec une grâce inouïe, jouant du bonheur éphémère et de la tragédie latente. Beauté troublante. Indicible mélancolie.
Mais ce qui marque le plus dans ce film, c’est la sensibilité du réalisateur à la nature. Jamais on ne l’avait filmée ainsi, dans un tel mouvement sensuel. C’est une fête pour les yeux et pour l’ouïe. Le toucher et l’odorat semblent aussi sollicités par on ne sait quel miracle. Malick a fait preuve d’une patience et d’un sens esthétique incroyables pour capter la pousse d’un grain de blé, la caresse du vent dans les épis, la vie des animaux, la lumière et les couleurs idéales. Ici, chaque plan est un tableau. Et l’enchaînement est un poème.
Cela dit, la nature n’est pas seulement un cadre à l’action, elle en est la résonance. Et même plus que ça. Il y a une forme de panthéisme dans l’œuvre du réalisateur. Le divin est dans la nature, qui protège ou punit les hommes. L’évocation de la Bible au début du film, la réflexion de la petite fille sur le bien et le mal, ou encore l’attaque des sauterelles (comme l’une des dix plaies d’Égypte), suivie d’un incendie d’apocalypse, sont autant d’indices d’une inspiration mystique qui s’inscrit dans un registre poétique.
Auteur du scénario et de la réalisation, Malick ne doit cependant pas récolter tous les lauriers. La photographie de Néstor Almendros (qui était en train de perdre la vue au moment du tournage !) est somptueuse, donnant à voir « une beauté romantique incandescente », selon ses propres mots ; la musique d’Ennio Morricone ajoute à l’envoûtement des images ; les acteurs principaux (Richard Gere, Brooke Adams, Sam Shepard) dégagent une innocence émouvante et sont d’une beauté renversante. L’association de ces talents laisse béat d’admiration.
En 1979, le film a obtenu l’Oscar de la meilleure photographie et le Prix du meilleur réalisateur au festival de Cannes. Terrence Malick attendra ensuite vingt ans avant de refaire du cinéma (La Ligne rouge, 1998).
Frédéric Viaux (film vu le 28/03/2003, revu le 29/04/2012)
Bravo ! Oui, le meilleur film de Terrence Malick. Hypnotique, effectivement biblique, et en même temps sociologique (photos d’époque du début). Musique somptueuse, photographie parfaite. My top 2 avec Le Guépard. Vous avez dit classicisme ?