Paris, Texas
Paris, Texas
Fiche technique
Mon avis
C’est le premier succès à la fois critique et public de Wim Wenders. C’est aussi son film le plus émouvant. Davantage dans la tonalité d’Alice dans les villes, qu’il a tourné dix ans auparavant (1974), que dans celle de films plus proches, L’État des choses (1982) ou Les Ailes du désir (1987), méditations intellos sur l’art et l’artiste, sur la vie et la mort. Dans Paris Texas, loin de toute visée symbolique et autres considérations métaphysiques, le réalisateur s’appuie sur un scénario dont la première qualité est d’exprimer avec une simplicité bouleversante des sentiments complexes : la passion amoureuse et ses ravages, l’amour filial, les difficultés de communication, la quête de rédemption… Magnifique scénario de Sam Shepard, adapté par Kit Carson (le père de Hunter Carson qui interprète le petit garçon). À l’écran, les situations et les dialogues s’enchaînent avec une justesse et une évidence propres aux chefs-d’œuvre. Le récit coule de source en un flot de chagrin et de tendresse merveilleusement capté par la réalisation fluide et sensible de Wenders. Wenders jouissait dans ce film (le dernier de sa période US des années 1970-1980) d’une grande liberté créatrice, après avoir expérimenté à ses dépens les contraintes des productions hollywoodiennes. Paris Texas est une coproduction indépendante, essentiellement franco-allemande, tournée en anglais, où l’auteur a pu maîtriser tout son projet et trouver une alchimie miraculeuse entre les participants. On a déjà parlé des scénaristes et du réalisateur. Il faut aussi mentionner les interprètes : Harry Dean Stanton, qui touche par son humanité douloureuse ; Nastassja Kinski, tout en beauté, en sensualité, en émotion à fleur de peau ; Hunter Carson, hypernaturel ; Dean Stockwell et Aurore Clément, sobres et bons dans leurs rôles secondaires (même si l’accent de l’actrice française est assez terrible). Côté photo, le travail du chef op’ Robby Müller est remarquable : le cadre et les couleurs (avec notamment une récurrence de la couleur rouge) offrent des visions à la Hopper, exploitent superbement l’horizontalité des routes et des déserts, la verticalité de villes, et traduisent la fascination de Wenders pour les espaces états-uniens. Et puis il y a la musique de Ry Cooder, indissociable du film : quelques notes de guitare qui font vibrer la corde sensible, électrisent et donnent le frisson. De cette réunion de talents naît une œuvre d’une grande beauté, ponctuée de séquences inoubliables : l’errance du début, en plein désert ; la projection du film en super 8 ; la longue conversation dans le peep show ; le dénouement…
Festival de Cannes 1984 : Palme d’or, Prix de la critique internationale, Prix du jury œcuménique.
Assistante réalisateur : Claire Denis.
Frédéric Viaux (film vu le 13/07/1996, revu le 18/07/2014)