Sirāt
Sirāt
Fiche technique
Mon avis
Un film unique sur le fond comme sur la forme. Sur la forme : des paysages visuels et sonores travaillés avec virtuosité et puissance, aussi beaux qu’inquiétants. Sur le fond : une progression dramatique aussi déroutante que mystérieuse. Ça commence de manière concrète avec ce père et son fils à la recherche de leur fille et sœur. Avec aussi la peinture d’une communauté des ravers. Et ça bifurque littéralement quand deux camions et la voiture du père et de son fils faussent compagnie au convoi encadré par l’armée marocaine. Ça bifurque d’abord vers une potentielle autre fête en plein désert, puis le sens du voyage devient plus incertain au fil des kilomètres, au milieu de nulle part. Comme le note Jacques Morice dans sa critique de Télérama, le film prend alors l’allure d’un “assemblage de Werner Herzog, de Mad Max et du Salaire de la peur”, nimbé d’une étrangeté qui touche autant à la réflexion sociopolitique qu’à l’ésotérisme. En tout cas, on bascule dans le métaphorique. Alors que le périple plonge dans un rythme vaguement engourdissant, on est secoué par plusieurs scènes choc et sidérantes, qui donnent au road-trip des accents initiatiques cruels et stressants. Il y a comme une notion de passage sacrificiel qui fait écho au titre du film, Sirāt, désignant en islam le pont entre enfer et paradis. Vers quoi vont les personnages ? Si l’on tient compte du contexte évoqué par quelques bribes d’informations perçues à la radio (exode, guerre locale puis générale), on peut voir dans ce voyage l’odyssée mortelle d’une humanité en perdition dans un monde en guerre. Une fatale traversée du désert. L’auteur Oliver Laxe parle quant lui d’un “chemin intérieur qui pousse à mourir avant de mourir”, dans un propos rapporté par le même Jacques Morice, de Télérama. Propos sibyllin. S’agit-il d’éprouver la mort ou la peur de la mort pour mieux se préparer à la fin (du monde) ? Ce film est aussi une odyssée de la musique, du son, des vibrations (qu’on n’a jamais vécus ainsi au cinéma, dans tout notre corps) vers le silence. Silence désespéré ?
Prix du jury au festival de Cannes 2025. Coproducteurs : Agustín et Pedro Almodóvar. Coscénariste : Santiago Fillol (Matadero).
Frédéric Viaux (film vu le 11/09/2025)