Un prophète
Un prophète
Fiche technique
Mon avis
Cinquième long-métrage de Jacques Audiard, son meilleur à ce jour. Un prophète est une plongée saisissante dans l’univers carcéral et mafieux. Un univers codifié, dans lequel le cinéaste se glisse avec intelligence et âpreté pour décrire ses clans, ses règles, ses jeux de pouvoir. Un État dans l’État, soumis à des « stratégies politiques » et à la loi de la violence.
La maîtrise de la mise en scène est impressionnante : un réalisme cru, ponctué d’échappées surréalistes (les visions de Malik) et de fulgurances stylistiques (le flingage dans la voiture est un morceau d’anthologie). La force dramatique va crescendo, portée par un casting parfait : Tahar Rahim, la révélation du film, Niels Arestrup, sidérant, et tous les autres acteurs ou figurants. Cela sonne juste, sans fausse note.
Mais plus qu’un simple film de prison, Un prophète est un véritable roman d’apprentissage, remarquablement structuré. On suit le parcours de Malik, l’analphabète, qui apprend l’écriture, l’économie et… les règles du « milieu ». D’abord victime et larbin, il se positionne peu à peu comme une pièce essentielle de l’échiquier carcéral, entre les Corses et les « Barbus » (deux populations rarement montrées ainsi dans le cinéma français). Il bat les cartes des uns et des autres, avant de jouer ses propres atouts. C’est donc l’histoire d’une petite frappe qui devient un caïd. Mais aussi l’histoire d’un gamin (il faut le voir prendre l’avion pour la première fois ou marcher sur une plage près de Marseille) qui devient un homme. Trois étapes, trois figures tutélaires : le rite initiatique (le meurtre de Reyeb), la trahison du parrain Luciani (il « tue le père ») et le remplacement de son pote Ryad (auprès de sa femme et de son fils).
Entre drame et ironie (la scène finale, le titre du film…), Un prophète apparaît comme une tragédie du pouvoir, racontée avec force et maestria. Après Melville, Audiard redonne ses lettres de noblesse au film de truands à la française.
Grand Prix du jury au festival de Cannes 2009. Prix Louis-Delluc 2009. César 2010 : meilleur film, meilleur réalisateur (Jacques Audiard), meilleur acteur et espoir (Tahar Rahim), meilleur acteur dans un second rôle (Niels Arestrup), meilleur scénario original, meilleurs décors, meilleur montage et enfin meilleure photo. Musique : Alexandre Desplat.
Frédéric Viaux (film vu le 06/09/2009)