Wrong
Wrong
Fiche technique
Mon avis
Après Steak, Rubber, voici Wrong, troisième long-métrage du très singulier Quentin Dupieux. Encore un titre court et peu « cinématographique » pour un nouvel objet filmique non identifié. Encore un numéro d’homme-orchestre, puisque Dupieux est crédité en tant que réalisateur, scénariste, chef opérateur et compositeur (sous le pseudo de Mr. Oizo). Si l’histoire déjantée de Rubber (les aventures sanglantes d’un pneu psychopathe dans le désert californien) n’avait pas tenu toutes ses promesses, se dégonflant un peu sur la longueur, celle de Wrong tient mieux la route, plus aboutie dramatiquement, moins limitée à une dimension parodique et potache.
Dupieux inscrit son nouveau scénario dans un cadre classique (une banlieue pavillonnaire américaine, digne d’une série TV) et pose un élément d’intrigue banal (un homme a perdu son chien). Il va donner à ce canevas de base une tournure surréaliste et absurde, en opérant un dérèglement minutieux du quotidien. À mi-chemin entre le cinéma de David Lynch et celui des Monty Python. Pour un résultat unique : hilarant par moments, intrigant toujours, inquiétant parfois. Dans le jardin de Dolph, un palmier s’est transformé en sapin. Sur son lieu de travail, un bureau où il continue d’aller même s’il a été viré trois mois plus tôt, il pleut continuellement. Dolph va aussi rencontrer un justicier-gourou, défenseur de la cause animale et manipulateur, un détective qui analysera l’inconscient d’une crotte de son chien, ou encore une femme, opératrice d’un livreur de pizzas, qui décidera de s’installer chez lui après avoir couché avec son jardinier… Ce qu’il y a de plus déconcertant et jubilatoire dans ce film, c’est qu’il est à la fois complètement dingue et très intelligent. Une fois le non-sens posé, le réalisateur développe en effet des situations et des réactions bizarrement logiques, une mécanique narrative impeccablement huilée. Ce « n’importe quoi » hypermaîtrisé est aussi une aventure esthétique et poétique : la réalisation léchée offre de superbes images en HD, la musique (excellente) contribue parfaitement à l’ambiance du film et quelques scènes sont d’une beauté étrange et envoûtante (notamment la dernière). Enfin, la réussite de ce projet fou doit beaucoup à ses interprètes principaux, qui jouent le jeu à fond : Jack Plotnick, Éric Judor, William Fichtner. Irrésistibles.
Frédéric Viaux (film vu le 13/09/2012)