Contes du hasard et autres fantaisies
Gûzen to sôzô
Fiche technique
Mon avis
Ryusuke Hamaguchi, sur les pas de Marivaux, invente des jeux de l’amour et du hasard dans un contexte nippon contemporain. Petit théâtre de la magie amoureuse ou érotique, petit théâtre de la cruauté, de l’amertume ou de la mélancolie, petit théâtre du souvenir, de l’instant présent et de l’anticipation. L’expérience du sentiment amoureux ou du désir sexuel se conjugue ici à une expérience du temps, ce qui donne une étonnante amplitude narrative à ces courts récits, lesquels cultivent aussi bien l’intensité immédiate (la mise en relief de moments décisifs) que la profondeur temporelle (l’évocation de sentiments qui se sont inscrits dans la durée). C’est l’une des qualités d’écriture de ce film. Parmi les autres qualités : une mise en place rapide et précise des personnages et des drames, permettant d’arriver très vite au cœur de l’action. Hamaguchi y arrive et s’y déploie grâce au pouvoir des mots, quasi uniquement. Son verbe est d’une efficacité superbe, tellement narratif que, côté réalisation, quelques plans fixes suffisent, dans la plus grande simplicité. Le travail de l’image (numérique, assez moche) est clairement accessoire. Le film est ainsi tout à la gloire d’un verbe qui dit tout, empreint de force et de retenue émotionnelles, d’audace et de pudeur, de finesse et de nuance psychologiques, autant de qualités qui définissent de plus en plus la signature du cinéaste. Une très belle signature.
Grand Prix du jury – Ours d’argent au festival de Berlin 2021.
Frédéric Viaux (film vu le 07/04/2022)