Histoires extraordinaires
Metzengerstein, William Wilson, Toby Dammit - Il ne faut jamais parier sa tête avec le diable
Fiche technique
Mon avis
Quand on évoque les Histoires extraordinaires d’Edgar Allan Poe au cinéma, on songe d’abord au cycle de huit films réalisés par Roger Corman (La Chute de la maison Usher, La Tombe de Ligeia…). En France, le recueil de nouvelles avaient déjà fait l’objet d’une adaptation en 1949 par Jean Faurez. Différents éléments fantastiques, pris à droite et à gauche dans le livre, s’intégraient dans une trame commune. Ici, le parti pris est différent. Trois moyens-métrages, adaptations de trois nouvelles, constituent un film à sketches, format à la mode dans les années 1960. Premier épisode : Metzengerstein, signé Roger Vadim, avec Jane et Peter fonda. Deuxième épisode : William Wilson, signé Louis Malle, avec Alain Delon et Brigitte Bardot. Troisième épisode : Toby Dammit, signé Federico Fellini, avec Terence Stamp. Le tout forme une curieuse association de réalisateurs et d’acteurs aux registres différents, unis sous la bannière du cinéma fantastique, dans une coproduction franco-italienne un peu kitsch.
Metzengerstein, c’est un peu Barbarella chez Edgar Allan Poe. Un an après avoir réalisé l’adaptation de la BD de Jean-Claude Forest, avec Jane Fonda dans le rôle principal, Roger Vadim dirige encore sa compagne de l’époque, en étoffant sa garde-robe de nouvelles tenues sexy. Et visiblement, il s’intéresse autant au potentiel érotique de sa femme qu’à l’histoire proprement dite (qui n’est pas, d’ailleurs, la meilleure de l’écrivain). Cette histoire fantastique nécessitait une certaine subtilité pour passer à l’écran. Il en manque ici. Narration appuyée, théâtralité, esthétique artificielle, longueurs… Pas de Poe.
Concernant William Wilson, Louis Malle n’est visiblement pas dans son élément. Il s’applique à transcrire la nouvelle de Poe à l’écran, mais sans inspiration dans le traitement du thème du double, ni dans l’expression du mystère et de l’angoisse. Le résultat est assez impersonnel. Et le film ne semble qu’un prétexte pour réunir Alain Delon et Brigitte Bardot. Delon fait son Delon, et Bardot est brune. À part ça…
Des trois cinéastes, Federico Fellini est celui qui se tire le mieux de l’exercice imposé… en le détournant. Son Toby Dammit est déconcertant, mais plus inspiré que le sketch de Roger Vadim et moins illustratif que celui de Louis Malle. Le réalisateur italien est le seul à mettre un peu de folie et de morbidité dans son histoire. Son parti pris : transposer la nouvelle originale à l’époque moderne. C’est pour lui l’occasion d’évoquer le monde du cinéma, le star-system, les médias… On reconnaît bien sa patte dans la dérision, les scènes surréalistes, quelques choix audacieux (faire d’une petite fille l’incarnation du diable). Ou encore, sur le plan stylistique, dans le traitement de la lumière et des couleurs. Du coup, on est très loin de l’univers de Poe, probablement trop ; l’ensemble n’est pas toujours léger ; mais au moins le sujet est transcendé.
Musique : Nino Rota.
Frédéric Viaux (film vu le 13/11/2001)