Hunger
Hunger
Fiche technique
Mon avis
Il n’y a rien d’approximatif, rien d’hésitant, dans ce premier film de Steve McQueen, homonyme de l’acteur, qui se fait d’emblée un nom au cinéma, après s’être illustré sur le terrain de l’art contemporain. Justement récompensé par la Caméra d’or au festival de Cannes 2008, Hunger est, sur le fond comme sur la forme, très précisément pensé et matérialisé. La matière est au cœur du film, tout autant que la psychologie, et bien plus que l’idéologie politique. La matière des décors et des corps. Matière fécale répandue sur les murs en tableaux abstraits et monstrueux. Matière des corps dénudés des prisonniers, qui se contorsionnent sous les coups. Matière du corps de Bobby Sands qui pourrit et disparaît au fil de sa grève de la faim (grosse performance physique de Michael Fassbender dans un rôle qui a vraiment lancé sa carrière). Sur le plan psychologique, McQueen privilégie la force des images à celle des dialogues, à l’exception d’une séquence (mais quelle séquence !) confrontant Bobby Sands et le prêtre de la prison : vingt-deux minutes, essentiellement en plan fixe, d’une grande intensité. Avec ou sans parole, les scènes filmées par le réalisateur témoignent d’un même souci de distance idéologique, d’impartialité, offrant les points de vue de différents personnages : un gardien, un policier, quelques prisonniers dont Bobby Sands, les parents de Bobby Sands, un prêtre, deux infirmiers. Sans oublier le discours de la Dame de fer, Margaret Thatcher, dont on entend seulement la voix, à l’occasion d’interventions publiques sur le sujet. McQueen met face à face deux radicalités : d’un côté, l’idéalisme forcené et jusqu’au-boutiste de membres de l’IRA, fermés au dialogue pour la négociation et la paix, portés par une volonté suicidaire coupée des réalités (selon le prêtre) ; de l’autre, l’intransigeance du gouvernement britannique, les provocations, la brutalité, le mépris des droits de l’homme. C’est cette opposition des extrêmes que le film donne à voir et à entendre dans un cadre carcéral à la fois ordinaire et extraordinaire, de manière violente et stylisée. Une stylisation qui se déploie « juste ce qu’il faut » pour ne pas « bouffer » le sujet. On admire la science du cadrage, le travail de la lumière, l’intelligence du montage. Tout cela fait de ce film une expérience marquante, éprouvante et de grande qualité.
Frédéric Viaux (film vu le 17/12/2012)
Impressionnant – sordide, insistant et par trop réaliste (on a compris !) – mais très intéressant et édifiant, pour se remémorer ces évènements et la politique de Thatcher.