Les Aventures du baron de Münchausen
The Adventures of Baron Munchausen
Fiche technique
Mon avis
Né en 1720, mort en 1797, le baron de Münchausen était un militaire allemand, plus ou moins mercenaire, dont les exploits ont été rapportés sous un jour fantastique, transmis et amplifiés de bouche à oreille, jusqu’à ce que l’écrivain Rudolf Erich Raspe les rassemble dans un livre, en 1785. Maintes fois reprises, ces aventures ont ainsi fait du baron l’un des héros les plus populaires de la littérature allemande. Elles ont aussi inspiré les cinéastes. Parmi les versions les plus connues, citons celles de George Méliès (Les Hallucinations du baron de Münchausen, 1911), de Josef von Baky (Les Aventures fantastiques du baron de Münchausen, 1943) et de Jean Image (Les Fabuleuses Aventures du baron de Münchausen, film d’animation, 1979). Le film de Josef von Baky avait été produit par la UFA (importante société de production allemande durant la première moitié du XXe siècle), afin de fêter son vingt-cinquième anniversaire. On peut facilement établir un lien entre les aventures de ce militaire allemand doté de superpouvoirs et l’idéologie politique qui régnait en Allemagne en 1943.
Terry Gilliam, lui, s’approprie le personnage pour en faire l’incarnation du pouvoir de l’imagination au siècle rationnel des Lumières, pétri de sciences et de progrès. Münchausen est un parangon de fantaisie. Et, plus largement, un porte-étendard de la liberté de penser et de créer. De l’imagination, de la fantaisie, de la liberté créatrice, le cinéaste n’en manque pas non plus. On ne pouvait rêver meilleur réalisateur pour illustrer les aventures extraordinaires du baron. Il s’est doté de moyens considérables pour concrétiser sa vision du projet (67 décors et 6 plateaux de tournage à Cinecittà). Grosse production pour un formidable spectacle qui mêle avec bonheur action abracadabrante, dimension fantastique, touche de poésie, accents burlesques et inspiration absurde (héritage jubilatoire des années Monty Python). Bref, on se régale d’un bout à l’autre et on en prend plein les yeux. Parmi les meilleures scènes : le vol du baron accroché à un boulet de canon ; l’interprétation par le Grand Turc d’une opérette de sa composition, intitulée « L’apprenti tortionnaire », sur un instrument « humanisé » ; le décollage d’une montgolfière dont la toile est constituée de milliers de culottes de femmes ; le voyage sur la Lune où règnent un roi et une reine aux têtes et corps séparés (numéros délirants de Robin Williams et Valentina Cortese) ; la rencontre avec Vulcain, qualifié de « petit bourgeois étriqué » par Vénus qui s’amuse à éveiller sa jalousie ; les interventions régulières d’une incarnation de la mort… Et enfin, parmi les mille et une choses insolites du film, on notera l’apparition de Sting dans un petit rôle d’officier félicité puis condamné en raison de sa bravoure !
Extrait de L’Almanach du cinéma, de l’Encyclopaedia Universalis : « Il a fallu à Terry Gilliam trois ans pour mener à bien ses Aventures du baron de Münchausen, sujet souvent filmé, et dont il propose une version très personnelle. Citations et influences picturales y sont nombreuses, de Gustave Doré à Tiepolo, de Hogarth à Piero di Cosimo. Le décorateur italien Dante Ferretti s’est surpassé, les techniciens des effets spéciaux également. John Neville, dans le rôle du baron, fait presque oublier le mémorable Hans Albers [l’acteur de la version de Josef von Baky]. »
Frédéric Viaux (film vu le 24/12/1992, revu le 22/09/2012)